2019 : les banques centrales à la rescousse
Par Laetitia Baldeschi ‐ Responsable des Etudes et de la Stratégie et Bastien Drut ‐ Stratégiste
2018 : la croissance mondiale a ralenti et le commerce mondial s’est contracté
Le nombre d’économies en contraction ou ralentissement a nettement augmenté récemment.
L’Italie, 8ème économie mondiale, est en récession technique et l’Allemagne, 4ème économie mondiale, échappe à la récession d’un cheveu.
Le commerce mondial a nettement ralenti et s’est même contracté en 2018, en raison du ralentissement de la Chine et des tensions commerciales.
Etats‐Unis : des inquiétudes excessives en fin d’année 2018 mais une croissance qui tient bon malgré tout
La chute des prix du pétrole, le shutdown et les craintes par rapport à la guerre commerciale et à une politique monétaire agressive ont conduit à un pessimisme excessif en fin d’année.
Cela dit, la croissance a rassuré au 4ème trimestre et les enquêtes d’activité restent assez bien orientées et n’indiquent pas de récession imminente.
L’ISM composite est supérieur à la moyenne de 2017‐2018.
La confiance des consommateurs a rebondi en février.
Etats‐Unis : le choc d’incertitude et la baisse de confiance ont laissé des traces sur les anticipations d’inflation
La baisse des prix du pétrole et la dégradation du sentiment économique ont induit une baisse des anticipations d’inflation de long terme, aux Etats‐Unis comme en zone euro (sur des niveaux qui étaient déjà très bas).
La dégradation porte sur les anticipations d’inflation de marché mais aussi sur les enquêtes réalisées auprès des consommateurs et des prévisionnistes professionnels.
Pour la Fed, les anticipations d’inflation sont dans la borne basse de ce qui est admissible dans le cadre de son mandat de stabilité des prix.
Les effets de base liés au pétrole vont être défavorables dans les mois à venir.
La Fed a mis en pause son cycle de hausse de taux et s’apprête à arrêter sa politique de réduction de bilan
La Fed a pris acte de la dégradation des perspectives économiques et ne modifiera plus sa politique de taux avant un bon moment. Cela introduit un plafond sur les taux américains.
Depuis octobre 2017, la Fed réduit son bilan en ne réinvestissant pas une partie des titres qu’elle détient qui arrivent à maturité, ce qui entraîne une baisse des réserves excédentaires des banques.
Les banques souhaitent disposer d’environ 1200 Mds $ de réserves excédentaires en rythme de croisière or nous sommes déjà relativement proches de cet objectif.
La pause de la Fed constitue une bouffée d’oxygène pour le marché immobilier américain
Le fait que les taux longs repartent à la baisse a fait baisser les taux de crédit immobilier.
En conséquence, les demandes de crédits immobiliers ont nettement rebondi en 2019.
Cela a permis d’enrayer la dégradation des statistiques immobilières.
Le changement de ton de la Fed vers la fin de l’année 2018 a permis aux marchés d’actions de se reprendre.
Zone euro : trois trimestres consécutifs sous le potentiel de croissance
Au T4, la croissance en glissement annuel est revenue à son plus bas niveau depuis 5 ans (1,1%).
Chacun des trois grands pays de la zone euro a connu des chocs qui lui sont propres.
La composition de la croissance sur le T4 est plutôt rassurante.
Les enquêtes PMI composite se stabilisent en février.
Zone euro : la dichotomie industrie / services est‐elle tenable ?
Une succession de « facteurs temporaires » explique le ralentissement européen : grippe, Brexit, guerre commerciale, secteur automobile, climat ….
En Allemagne, il n’a jamais aussi peu plu sur la période juin‐novembre depuis 1881. En conséquence, le niveau des fleuves allemands s’est effondré, or, 9% du transfert de marchandises est réalisé sur les fleuves en Allemagne. Cela a fortement affecté la production industrielle, notamment dans le secteur de la chimie.
Certains facteurs pèsent sur l’industrie européenne de façon plus durable qu’escompté, notamment en Allemagne et en Italie. Les PMI manufacturiers toujours en zone de contraction en février l’attestent.
Même si les prévisions de croissance ont été largement revues à la baisse pour 2019 et 2020, elles tablent sur un rebond à compter du T2. Celui‐ci ne pourra pas avoir lieu sans la levée des incertitudes sur le Brexit et la guerre commerciale.
La BCE perd confiance dans les perspectives d’inflation
Moins suivies que les autres variables et pourtant sans doute plus significatives, les prévisions d’inflation sous‐jacente ont été massivement revues à la baisse, sur tous les horizons. La prévision pour 2021 passe de 1,8% à 1,6% : en quelque sorte, la BCE a perdu confiance dans les perspectives d’inflation.
Dans trois mois, nous en serons à 5 ans de taux négatifs en zone euro. La prolongation de la forward guidance (taux qui resteront aux niveaux actuels jusqu’à au moins la fin 2019) implique que la période de taux négatifs durera au moins un an de plus. Les effets des taux négatifs sont beaucoup plus importants aujourd’hui qu’il y a cinq an : les réserves excédentaires (auxquelles s’appliquent le taux de dépôt) des banques sont actuellement d’environ 1900 Mds €, contre 100 en 2014. Sur une année pleine, c’est donc une “taxe” directe d’environ 7,5 Mds qui s’applique aux banques européennes. En prenant en compte à la fois le niveau de taux et les montants, on se trouve en présence de l’expérience de taux négatifs la plus puissante de l’histoire.
La reformulation de la forward guidance de la BCE a induit un aplatissement de la courbe des taux
Les perspectives de hausses de taux s’éloignant, la pente de la courbe des taux n’a pas été aussi plate depuis plus de 2 ans.
Cet aplatissement de la courbe des taux a pénalisé les actions bancaires.
Comme les TLTRO2, la limite des montants que les banques pourront emprunter correspondront à 30% de leur stock de prêts (cependant, la BCE n’a pas encore communiqué sur les prêts éligibles). En reprenant les règles d’éligibilité des prêts qui prévalaient pour les TLTRO 2, les banques italiennes et espagnoles ne pourraient pas réellement augmenter les emprunts TLTRO auprès de la BCE : il s’agit davantage d’une extension de liquidités plutôt que d’un credit easing.
En Italie, la récession rend l’équation budgétaire intenable
La croissance a fortement ralenti en 2018 (0,9% après 1,7% en 2017) et le pays est entré en récession technique en fin d’année avec une croissance du PIB de ‐0,1% sur les 2 derniers trimestres. L’investissement a nettement ralenti depuis début 2018. La consommation des ménages n’accélère pas malgré les hausses des salaires réels.
Les indicateurs de confiance restent mal orientés et suggèrent que la croissance va rester négative au moins au 1er trimestre 2019.
La commission européenne a révisé à 0,2% ses prévisions de croissance pour 2019.
L’objectif de croissance de 1% du gouvernement est inatteignable et la cible de déficit de 2,04% du PIB sera dépassée.
Les marges de manoeuvre pour un budget rectificatif sont très limitées.
L’activation des clauses sur la TVA sera très compliquée à mettre en oeuvre et impacterait très négativement la consommation des ménages. Elles représentent 23 milliards d’euros pour 2020 et 28,7 pour 2021.
Les sondages pourraient inciter M. Salvini à faire éclater la coalition et retourner aux urnes avant la fin de l’année. D’autant plus que les sujets de désaccord entre les 2 partis de coalition se multiplient (ligne grande vitesse Lyon‐ Turin, autonomie des régions …).
Si la perspective des élections européennes reportera les ajustements budgétaires à l’automne, les agences de notation pourraient réagir plus vite.
Brexit : le parlement britannique vote pour une extension de l’article 50 au‐delà du 29 mars 2019
La croissance a nettement ralenti en fin d’année du fait de la persistance des incertitudes sur l’issue du Brexit.
Après une série de votes d’amendements conduisant à l’exclusion par le Parlement d’une sortie sans accord de l’Union européenne, T. May soumettra de nouveau son projet d’accord au Parlement d’ici le 20 mars.
En cas de vote positif, une prolongation de 3 mois de l’article 50 sera demandée à l’Union européenne au sommet des 21 et 22 mars prochain. En cas de rejet de l’accord par le parlement, un délai plus long serait demandé par les britanniques, soulevant d’autres problèmes…
L’opinion publique reste très partagée
Les marchés ne croient plus à un scénario de no‐deal, la livre atteint un plus haut de près de 2 ans contre euro.
Des mesures d’urgence pour faire face à un no‐deal ont été prises par l’Europe afin de limiter les difficultés dans certains domaines : transport ferroviaire et aérien, compensation bancaire ….
La BoE a laissé entendre qu’elle baisserait les taux en cas de no‐deal.
Les autorités chinoises ont multiplié les annonces de soutien à l’économie…
Depuis l’été 2018, les mesures de soutien à l’économie se sont multipliées. Elles sont restées
très ciblées, à la différence des plans de relance précédents.
Leur mise en oeuvre a été également très étalée dans le temps.
Dans ce contexte l’impact sur l’économie réelle n’est pas encore directement mesurable.
… et le Congrès National du Peuple a de nouveau validé un soutien à l’économie
Les autorités ont abaissé l’objectif de croissance de l’année de 6,5 % à une fourchette de 6 à 6,5 %. Le premier ministre chinois, Li Keqiang, a souligné l’impact de la guerre commerciale, et a évoqué, contrairement aux usages récents que la guerre commerciale faisait du tort au pays.
Le premier ministre Li a clairement indiqué que, même si les priorités ont changé, les objectifs de la campagne de désendettement n’ont pas été abandonnés, et il s’est engagé à maintenir la croissance du crédit et le ratio de la dette stables cette année.
Ce soutien à l’économie est nécessaire ; pour la première fois, le Premier ministre laisse entendre que le taux de chômage progresse, en mentionnant un taux d’environ 5,5%, alors que le taux officiel est de 3,8%. Il indique même : « Pour la première fois, la politique de priorité à l’emploi a été érigée au niveau de la macro politique ».
Les mesures monétaires sont les premières à se concrétiser dans les données publiées
Selon les nouveaux objectifs officiels, la croissance de M2 et du financement de l’économie devrait être conforme à la croissance du PIB nominal.
Les financements débloqués en janvier ont été très importants (supérieurs à l’effet saisonnier habituel) avec 4640 mds de rmb distribués dont 3570 mds de crédits bancaires. Même si les chiffres de février sont plus faibles, la somme des crédits débloqués sur les deux mois reste importante.
Les différentes formes de « shadow banking » sont de nouveau utilisées de même que des émissions obligataires d’entreprises (499 mds de rmb).
Le financement progresse de 10,1% sur un an fin février après +9,8% en décembre.
Les interventions de la PBOC sur le marché monétaire visent à ramener les taux de marché au plus bas, proche de son taux de repo à 7 jours.
Le premier secteur bénéficiaire de la hausse des financements sera l’investissement en infrastructures
Les infrastructures vont bénéficier d’une partie des crédits bancaires mais pourront s’appuyer sur le financement via les émissions obligataires spéciales, dont les plafonds passent de 1350 mds de rmb à 2150 mds de rmb en 2019.
Les investissements ferroviaires sont fixés à 800 milliards de rmb (vs 723 milliards dans le budget de 2018).
L’investissement dans les voies navigables et les routes est fixé à 1800 mds de rmb (comme dans le budget 2018).
Le projet «Routes de la soie » retrouve un peu de dynamisme, après quelques trimestres au ralenti.
Plus généralement, les mesures de relance s’adressent en priorité au secteur privé
Ceci est une des grandes différences avec les plans de relance précédents.
Plusieurs baisses d’impôts visent explicitement les entreprises. C’est notamment le cas des mesures de baisse annoncée de la TVA, sachant que les entreprises privées versent 59% des recettes, contre 22% pour les entreprises publiques.
La PBOC va continuer d’injecter des liquidités dans le secteur bancaire ; mais des « carottes » pour privilégier le secteur privé et les PME sont déployées.
Le secteur privé, c’est :
80% de l’emploi urbain total
60% du PIB
60% de l’investissement en équipement
90% des exportations
Le monde émergent bénéficiera de cette stabilisation chinoise
Le commerce asiatique a nettement ralenti depuis l’été 2018, avec la confirmation du ralentissement chinois, et les toutes dernières données ne soulignent pas encore de retournement, bien au contraire.
Beaucoup d’émergents sont particulièrement sensibles à la demande chinoise. Un redressement de celle‐ci aura nécessairement un impact positif sur les émergents.
Les banques centrales des émergents adoptent également un ton plus accommodant
Les PMI manufacturiers dans les émergents semblent confirmer un redressement, qui reste toutefois timide en attendant le retournement de la Chine.
Les PMI services sont moins bien orientés, là encore influencés par la Chine, où les interruptions d’activité liées au Nouvel An expliquent vraisemblablement une partie de la forte baisse enregistrée en février.
Les données de PIB du 4ème trimestre 2018 soulignent globalement un maintien de la dynamique de demande intérieure.
Les banques centrales devraient maintenir un ton plus accommodant dans leur ensemble, allant de pair avec un peu plus de soutien budgétaire.
Un accord commercial entre la Chine et les Etats‐Unis possible…
Le report sans deadline de la hausse des droits de douane de 10% à 25% annoncé par D. Trump plaide en faveur d’un accord.
Les contours possibles de l’accord :
L’agriculture
La devise
La propriété intellectuelle
Les barrières non douanières
L’accès au marché des services
Les transferts technologiques
Les taxes actuelles pourraient être maintenues et considérées comme élément de pression sur la Chine, pour l’application de l’accord.
…car les deux pays peuvent finalement y trouver un intérêt
La Chine du fait de la pollution des sols et de l’eau voit ses besoins en céréales largement progresser : le taux d’autosuffisance céréalière est passé de 93% en 2008 à 86% en 2014. La Chine est devenue un important importateur de céréales.
Par ailleurs, les objectifs fixés par le 13ème plan quinquennal (2016‐2020), visent une réduction du poids du charbon dans la consommation d’énergie à 58% pour 2020, ce qui nécessite un renforcement des énergies non carbonées. Les importations de gaz liquéfié ont déjà nettement accéléré et cette tendance devrait perdurer ; un moyen pour les Etats‐Unis d’écouler leur production grandissante.
Les conséquences du réchauffement climatique sont multiples et expliquent en partie les mutations rapides de l’économie chinoise…
L’impact du changement climatique passe aussi par le risque macroéconomique lié à la transition entre deux modèles productifs, qui peut entraîner des ajustements chaotiques dans les secteurs fortement contributeurs au réchauffement climatique ou non rentables dans un contexte de limitation d’émissions polluantes.
La mutation du modèle chinois reposant sur les exportations de biens à bas coût vers une économie avancée fondée sur les services et la demande intérieure, impliquant la montée en gamme de l’industrie est certes une nécessité démographique, mais également environnementale.
Conclusions
La croissance mondiale devrait se stabiliser autour de son potentiel.
Dans un contexte d’inflation contenue, la Fed devrait faire une pause et ne pas poursuivre son resserrement monétaire.
La Fed va également interrompre la réduction de son bilan, afin de préserver un niveau adéquat de réserves excédentaires des banques.
La zone euro ralentit plus nettement qu’anticipé, notamment en raison d’un affaiblissement du secteur manufacturier allemand et du commerce mondial.
La BCE va prolonger les mesures exceptionnelles de refinancement (TLTRO) et repousse sa première hausse de taux au‐delà de 2019.
Le risque politique prédomine avec d’une part la question budgétaire en Italie ravivée par la récession technique et d’autre part les conséquences du Brexit sur l’économie britannique.
La Chine a nettement ralenti, mais les mesures de soutien prises par les autorités commencent à porter leurs fruits, notamment avec l’accélération des crédits au financement de l’investissement en infra structures.
L’heure d’un accord commercial entre les Etats‐Unis et la Chine semble venue, même si les contours de ce dernier sont encore incertains.
Mais la question de l’automobile n’est pas encore réglée est continue de peser sur la confiance notamment en zone euro.
La prise en compte des conséquences du réchauffement climatique sur l’économie devient essentielle. C’est une préoccupation des banques centrales dans la mesure notamment où l’augmentation de la fréquence des éléments extrêmes peut modifier les perspectives d’inflation.
CPR AM – Stratégie d’investissement et recommandations
Par Malik Haddouk ‐ Directeur de la Gestion Diversifiée
POINT MARCHE
La correction d’octobre – décembre 2018 effacée en partie sur les actions
Après la débâcle observée au cours du quatrième trimestre 2018 imputable aux inquiétudes portant sur un ralentissement économique mondial plus prononcé que prévu, les marchés financiers poursuivent leur marche en avant. Les indices actions, depuis le changement de ton opéré par la Fed, progressent sensiblement récupérant plus des 2/3 de la baisse enregistrée entre début octobre et le 24 décembre 2018. Néanmoins, la classe d’actifs (‐4%) sous‐performe les taux d’emprunt d’Etat et le crédit qui ont été peu affectés par l’épisode de stress et terminent en hausse de près de +5% sur la période sous revue.
Les marchés émergents plébiscités, le Japon et les actions euro encore en retrait
Dans cet épisode de forte correction puis de rebond aussi marqué des actions, le Japon est le grand perdant alors que les marchés émergents et l’Europe ex‐Emu tirent leur épingle du jeu. La zone euro qui avait mieux résisté que le marché actions américain lors de l’épisode de correction n’a pas pleinement profité du retour de l’appétit pour le risque, affectée entre autres par les incertitudes sur les négociations commerciales et par le retour momentané du risque italien.
L’euro se déprécie face aux principales devises
Les inquiétudes concernant les perspectives Notes d’activité dans la zone euro s’accroissent et pèsent directement sur l’évolution de la devise qui se déprécie par rapport aux principales devises mondiales. Les préoccupations d’ordre politique et les négociations infinies concernant le Brexit pèsent également sur la monnaie unique. Le dollar lui continue de progresser vis‐à‐vis de l’euro malgré l’approche conciliante de la Fed alors que la devise nippone est soutenue par sa sous évaluation.
Les métaux précieux accélèrent à la hausse et le pétrole rebondit après la forte correction
Le ralentissement prévu de la croissance mondiale a freiné les matières premières cycliques à l’exception des métaux précieux qui ont bénéficié de la volatilité des marchés actions en jouant en grande partie leur statut de valeur refuge. Les quotas de production décidés par l’OPEP commencent à porter leurs fruits et à rééquilibrer le marché. Les prix remontent petit à petit après la forte correction enregistrée entre octobre et novembre (‐40%) même si la demande sous-jacente devrait rester stable pour le moment.
Les spreads périphériques ont poursuivi leur détente malgré les inquiétudes italiennes
Le retour de la volatilité lié aux négociations sur le budget italien n’a pas perduré à l’exception de quelques épisodes de tensions réelles, les portant au plus haut à 3,70%. Depuis novembre, les spreads se sont bien détendus et l’écart avec le taux 10 ans allemand est revenu au niveau de 250 pb. Mais l’histoire est loin d’être terminée notamment en raison de la dégradation des perspectives économiques italiennes qui pourraient de nouveau faire ressurgir la problématique de la soutenabilité de la dette et remettre en question la coalition au pouvoir.
Flux : des actions toujours peu recherchées par les investisseurs qui favorisent encore les obligations
Les espoirs d’un accord commercial entre la Chine et les Etats‐Unis ainsi que le revirement de la banque centrale américaine expliquent le rallye auquel nous assistons. Néanmoins, cette performance des marchés actions s’est réalisée dans un contexte adverse en matière de flux. Ce sont plus de 60 milliards de dollars qui sont sortis des marchés actions au cours des huit dernières semaines. A l’inverse, 36 milliards de dollars se sont déversés sur les véhicules d’investissement obligataires dans toutes les catégories (IG, HY, dette émergente). Pour l’instant, l’idée commune chez les investisseurs est de faire du cash ou d’acheter une certaine forme de sécurité.
Pour autant, les marchés actions américains continuent de bénéficier de montants records de rachats d’actions
Les rachats d’actions affichent des records aux Etats‐Unis et poursuivent sur leur lancée au premier trimestre 2019. Les entreprises ont dépensé plus de 900 milliards de dollars pour racheter leurs actions et soutenir ainsi leurs cours de bourse tout en augmentant mécaniquement le niveau du bénéfice par action. Ces politiques ont bien entendu été facilitées par la généreuse réforme fiscale de D. Trump qui a alimenté la trésorerie des entreprises et par des conditions d’emprunt bon marché. Cette pratique est néanmoins de plus en plus critiquée dans la mesure où cela se fait au détriment de l’investissement de long terme.
CPR AM – PERSPECTIVES
Par Malik Haddouk ‐ Directeur de la Gestion Diversifiée
Les taux d’emprunt d’Etat restent déprimés
L’épisode de correction vécu par les marchés actions a permis aux taux d’emprunt d’Etat de retrouver de l’intérêt auprès des investisseurs malgré la faiblesse des niveaux actuels. En début d’année, les obligations d’Etat ont été soutenues par le « Fed Put » annonçant une pause dans le cycle de resserrement monétaire. Le marché n’anticipe plus, concernant la Fed, de relèvement des taux en 2019, voire même éventuellement une baisse en 2020. Les taux réels devraient également rester faibles car les conditions macroéconomiques restent dégradées pour le moment.
Le marché High Yield très performant depuis le début de l’année ne souffre pas pour le moment de la remontée de l’endettement
Le rendement attendu sur les obligations de bonne qualité et spéculatives reste attractif même après le resserrement récent des spreads. Néanmoins, la dette des entreprises américaines a considérablement augmenté ces dernières années et la qualité de cette dernière commence à soulever des interrogations auprès des investisseurs notamment sur le segment High Yield. Cette dernière reste néanmoins adossée à des profits qui ont fortement augmenté au cours des dernières années.
La dégradation éventuelle des émetteurs BBB génèrerait un risque important pour le marché, l’écart ente HY et IG s’étant fortement réduit
Encore une fois, il existe de l’attrait sur le segment du crédit. La majorité des dettes de bonne qualité aux Etats‐Unis se situe ainsi dans les plus basses notations. La part des dettes BBB représente maintenant plus de 50% du gisement ce qui est un plus haut historique. Un mouvement de dégradation de ce gisement entrainerait des ventes forcées de la part des gestions passives mais aussi de certains institutionnels provoquant ainsi des tensions sur la liquidité. Ce même raisonnement s’applique évidement sur la partie obligations High Yield.
Le crédit européen et la dette émergente restent très attractifs dans ce contexte de taux bas
La décision de la BCE est positive pour le marché du crédit européen dans la mesure où elle devrait effectivement réduire l’offre bancaire et soutenir la dette souveraine périphérique. Le rendement attendu sur ces véhicules de crédit dans un contexte où les taux devraient rester scotchés au plancher pendant un certain temps au vu de la prévalence des risques économiques et politiques dans la région. Les rendements proposés restent bien plus intéressants du côté des obligations d’entreprises. Concernant les marchés émergents, une Fed résolument plus accommodante et une atténuation des tensions américano‐chinoises continueront de stimuler les spreads souverains. Les obligations des pays émergents affichent également un rapport rendement‐risque intéressant. La forte volatilité de certaines monnaies constitue il est vrai un risque majeur pour la dette émergente en devises locales.
La prise de risque est alimentée par la détente des conditions financières
Le rebond des marchés actions auquel nous assistons depuis 9 semaines maintenant s’inscrit dans un contexte de ralentissement de la croissance économique et d’une baisse des perspectives de croissance bénéficiaire des entreprises. Cette situation devrait perdurer dans les prochains mois. Néanmoins les deux principales raisons qui expliquent la force de ce rallye sont, d’un côté la stabilisation récente du climat des affaires, mais surtout la décision des banques centrales de faire une pause dans la normalisation de leurs politiques monétaires. Ce changement momentané de cap a entrainé une forte détente des conditions financières au niveau mondial qui se manifeste par la baisse des taux longs, la hausse du cours des actions, le resserrement des spreads de crédit et un affaiblissement modéré du dollar.
Pourtant les probabilités de récession à 1 an progressent sensiblement dans les économies développées
Selon l’enquête auprès des économistes, la probabilité d’une récession à venir progresse partout depuis quelques mois. Aux Etats‐Unis, l’indicateur de la Fed de New York se rapproche des niveaux qui ont par le passé été suivis d’une récession dans les 12 mois. Ce dernier qui est basé sur le spread moyen mensuel entre les taux 3 mois et le 10 ans s’établissait à 15,35 en novembre 2018 et au‐delà de 25 fin février 2019. Au cours des 50 dernières années cet indicateur n’a jamais été au‐dessus de 25 sans qu’une récession n’intervienne dans les mois qui suivent. Seul faux signal relevé en 1999.
Les point morts inflation repartent à la hausse tout en restant bien en dessous des 2% malgré une activité économique en décélération
La croissance économique a indéniablement ralenti au cours des derniers mois. Néanmoins, cette situation s’accompagne d’une poursuite de la baisse du chômage et de salaires qui progressent honorablement que ce soit aux Etats‐Unis et ou en zone euro. La normalisation du marché de l’emploi et les négociations salariales aboutissant à des hausses de salaires devraient permettre aux banques centrales d’atteindre leur objectif cible de 2%. C’est la raison pour laquelle nous assistons à un rebond des points morts inflation aux Etats‐Unis alors même que la croissance économique ralentit. Le rebond des prix du pétrole participe également à ce mouvement.
La volatilité elle‐même a fortement baissé malgré la persistance de risques extrêmes
Le rebond des marchés actions s’est accompagné par une baisse de la volatilité de l’ensemble des actifs financiers. Néanmoins, on assiste à une divergence sur la volatilité entre actions et obligations suggérant que la nervosité est toujours présente notamment sur le marché des actions. En effet, si le VIX (volatilité actions) a bien rebaissé se stabilisant au niveau de 15‐16, il n’a pas, pour autant retrouvé ses niveaux bas de novembre 2017 à 9,3%. Or, l’indice de volatilité du marché obligataire a quant à lui enfoncé ses points bas de 2017, une indication sur la confiance des investisseurs sur la stabilité à venir des prix des obligations.
La corrélation Taux‐Actions redevient positive
La corrélation entre actions et obligations est à nouveau positive ce qui devrait augurer de la poursuite de la tendance actuelle sur les marchés boursiers. Néanmoins, un renversement de la corrélation combiné à un retour de la volatilité sur les deux classes d’actifs a par le passé constitué, à de nombreuses reprises, un signal d’alerte. La corrélation a été positive la plupart du temps au cours des vingt dernières années mais à chaque fois que cette dernière s’est inversée (2006‐07, 2013‐14, 2018), nous avons assisté à une correction significative des marchés.
La dynamique bénéficiaire des marchés actions est négative quelle que soit la région
La récente détérioration des statistiques macroéconomiques rend moins probable une hausse surprise de la croissance des chiffres d’affaires. Les analystes ont révisé à la baisse leurs prévisions de bénéfices pour les marchés actions. Les révisions ont fortement accéléré à la baisse depuis maintenant 3 mois et les soldes sont négatifs pour l’ensemble des zones géographiques.
La tendance baissière dans un contexte de performance positive du marché des actions est une des raisons de notre opinion prudente sur le risque actions.
Les marges opérationnelles des entreprises américaines commencent à être impactées
Un retournement à la baisse des prévisions de marge avant la débâcle du S&P 500 en 2018 s’est avéré une fois de plus être un signal précis d’une faiblesse fondamentale imminente des actions. Les prévisions de marge opérationnelle ont culminé quelques semaines avant les actions en 2011 et plusieurs mois avant en 2015, signalant une faiblesse importante des cours à venir. Les analystes ont commencé à perdre confiance dans les perspectives de marge l’été dernier, les estimations ayant atteint un sommet en juin, devançant de trois mois l’apogée en 2018 du S&P 500. Alors que les prévisions de marge sont en phase avec les creux des cours boursiers, leur suivi peut être un bon indicateur de la tendance future du marché actions.
Pas encore de récession au niveau des bénéfices des entreprises. Les valorisations reviennent au‐dessus de leur moyenne historique de long terme
Le rebond des marchés actions en ce début d’année sans révision à la hausse des perspectives attendues des bénéfices des sociétés nous a ramené en termes de valorisation au niveau d’octobre 2018. Les marchés actions se retrouvent ainsi sur leur moyenne historique de long terme. A noter par ailleurs que la croissance attendue des bénéfices a été sensiblement révisée à la baisse notamment aux Etats‐Unis où cette dernière en septembre dernier était attendue à +10% contre 4% actuellement avec un risque de dégradation supplémentaire à venir.
Les marchés émergents progressent grâce à la Chine malgré des bénéfices en retrait
Les marchés émergents après la forte correction enregistrée en 2018 semblent repartir sur de meilleures bases en ce début d’année. Les prix des actifs des marchés émergents ont peut‐être déjà intégré le pire. L’inquiétude d’une guerre commerciale entre la Chine et les Etats‐Unis demeure une menace imminente mais la volonté de la Chine de reflater à nouveau son économie rassure. La croissance économique globale des pays émergents se stabilise et devrait ré‐accélérer à partir de la deuxième moitié de l’année permettant un rebond des perspectives de croissance bénéficiaire.
Néanmoins la poursuite de l’appréciation du dollar pourrait poser un sérieux risque sur la performance à venir des marchés émergents
Le ton plus accommodant de la Fed, les valorisations plus faibles et le pic, nous le pensons, du dollar américain militent pour rester positionné sur la classe d’actifs émergents (Actions et Taux). Toute nouvelle appréciation du dollar américain serait préjudiciable à cette classe d’actif comme cela fut le cas en 2018 en complément de la hausse des taux. Les actifs chinois nous apparaissent attractifs et ce, malgré le bon début d’année, porté par les espoirs d’une relance et d’une amélioration de l’environnement économique.
Les prévisions de marché à fin février 2019, pour les 3 prochains mois
Les négociations US‐Chine sont en bonne voie. Un accord est trouvé pour le Brexit. Ces bonnes nouvelles entrainent à court terme un retour de la confiance sur les marchés financiers.
Taux directeurs : Stabilité aux Etats‐Unis (2,5%), au Japon (0%) et en zone euro (0%).
Taux longs : Stabilité aux Etats‐Unis (2,70%), au Japon (0%) et en zone euro (0,15%).
Actions : 0% aux Etats‐Unis, en zone euro et en Amérique latine. +2,5% au Japon et 5% dans les pays émergents asiatiques.
La parité EUR‐USD reste stable sur le niveau de 1,14.
SCÉNARIO ALTERNATIF 1 : ACCORDS COMMERCIAUX DÉCEVANTS 15%
Les négociations commerciales se tendent fortement. Les accords déçoivent.
Taux directeurs : Stabilité aux Etats‐Unis (2,5%), au Japon (0%) et en zone euro (0%).
Taux longs : Baisse aux Etats‐Unis (2,40%), au Japon (‐0,05%) et en zone euro (‐0,10%).
Actions : ‐12,5% dans les pays émergents asiatiques, ‐10% aux Etats‐Unis et au Japon, ‐7,50% en Europe et en Amérique latine.
La parité EUR‐USD baisse à 1,11.
SCÉNARIO ALTERNATIF 2 : POURSUITE DE LA HAUSSE TECHNIQUE 15%
Les marchés continuent à être bien orientés.
Taux directeurs : Stabilité aux Etats‐Unis (2,5%), au Japon (0%) et en zone euro (0%).
Taux longs : Hausse aux Etats‐Unis (2,80%), au Japon (0,05%) et en zone euro (0,2%).
Actions : 5% aux Etats‐Unis, en zone euro et en Amérique latine, +7,5% au Japon et dans les pays émergents asiatiques.
La parité EUR‐USD reste stable sur le niveau de 1,15.
SCÉNARIO ALTERNATIF 3 : VIVES TENSIONS POLITIQUES EUROPÉENNES DUES AU
HARD BREXIT ET AUX INQUIÉTUDES SUR L’ITALIE – 20%
La probabilité d’une sortie au Royaume‐Uni de l’UE sans accord est très élevée.
Taux directeurs : Stabilité aux Etats‐Unis (2,5%), au Japon (0%) et en zone euro (0%).
Taux longs : Baisse aux Etats‐Unis (2,50%), au Japon (‐0,05%) et en zone euro (‐0,20%).
Actions : 0% dans les pays émergents, ‐2,5% aux Etats‐Unis, ‐5% au Japon et ‐10% en zone euro.
La parité EUR‐USD baisse à 1,05.
Convictions et positionnement actuel
Réduction progressive du directionnel actions: Curseur action 85%
La tendance baissière des révisions de bénéfices dans un contexte de hausse marquée des marchés actions est à la base de notre opinion réservée sur cette classe d’actifs.
Duration moyenne- Recherche de carry: HIGH YIELD – DETTES EMERGENTES
Les banques centrales font une pause dans la normalisation de la politique monétaire
ÉMERGENTS – Chine
Opinion positive sur les actions émergentes
La pause opérée par la FED, la relance chinoise, la baisse à venir du dollar ainsi qu’une valorisation attractive devraient permettre à cette classe d’actifs de tirer son épingle du jeu
Protection Actions Pays développés
Position acheteuse de volatilité
Des risques persistent qui devraient engendrer de nouveaux épisodes de stress