Le béton s’envole et le gaz explose. Les pénuries stoppent l’industrie automobile. Certaines voitures d’occasion coûtent plus cher que les neuves, désormais introuvables. Les entreprises peinent à embaucher et les salaires grimpent. Pourtant, la plupart des économistes sont d’accord : l’inflation sera temporaire. Elle devrait se dissiper progressivement en 2022. Pourquoi un tel optimisme ?
La mécanique des prix
Revenons sur les principes qui guident l’inflation. Une hausse de l’inflation commence généralement par un déséquilibre entre l’offre et la demande de biens et de services. Lorsque l’offre est insuffisante pour satisfaire la demande, alors les délais de livraison augmentent, puis les prix. Ce déséquilibre peut provenir de deux facteurs : des pénuries, qui réduisent l’offre, ou une demande très forte. Une autre source d’inflation peut être une hausse de taxes sur les produits. Mais l’inflation ainsi crée est naturellement de courte durée, concentrée sur les mois qui suivent la hausse. Enfin, une baisse de la devise peut faire monter les prix par le biais du coût des importations.
Dans les pays développés, les poussées d’inflation ont depuis plus de 30 ans été peu durables. Les prix ont généralement augmenté plus rapidement que les salaires. Les ménages ont ainsi perdu du pouvoir d’achat et la demande a baissé. Les banques centrales ont de plus mis en place des politiques plus restrictives pour refroidir la demande. Enfin, jusqu’en 2021, aucune situation de pénurie de grande ampleur n’a vu le jour. Dans les pays émergents, des poussées d’inflation ont pu créer une défiance vis-à-vis de la monnaie. Les pays dépendants des importations ont ainsi parfois perdu le contrôle des prix.
Est-ce différent cette fois-ci ?
Le risque d’une reprise durable de l’inflation dans les pays développés existe bien. Dans le cas où l’inflation dure plusieurs mois, elle s’installe dans les esprits. Les ménages acceptent alors des prix plus élevés et les entreprises montent les prix et les salaires. Si les gouvernements et les banques centrales ne freinent pas ce processus, ou plutôt l’encouragent, alors l’inflation peut s’installer. Un exemple flagrant est celui de l’indexation des salaires sur les prix mis en place en Italie à la fin des années 70, la scala mobile, qui a conduit à une longue période d’instabilité des prix.
Nous avons aujourd’hui une pénurie de biens et une forte demande. De plus, malgré un dérapage des prix, les banques centrales ont jusque-là maintenu des politiques très accommodantes. Beaucoup de conditions sont réunies pour que l’inflation dérape.
Mais ces pénuries vont cesser avec le recul de l’épidémie. L’inflation érode déjà le pouvoir d’achat. Les marges des entreprises sont pincées par le coût des matières premières et de l’énergie. Et, la banque centrale américaine commence à ajuster sa politique monétaire.
Nous pensons nous aussi que l’inflation refluera en 2022.
Frédéric Rollin, conseiller en stratégie d’investissement chez Pictet AM