ACTION FUTURE 58 – MATIERES PREMIERES
Alexandre Boy
Responsable de l’analyse fondamentale chez Agritel
Avec son ouverture progressive au libéralisme, la Chine est devenue la locomotive de l’économie mon diale. Cependant, les taux de croissance locale supérieurs à 10% ne sont plus que des souvenirs. Le pays doit aujourd’hui faire face à un ralentissement économique qui impacte l’ensemble du monde et notamment les cours des matières premières agricoles.
Le 19 octobre dernier, le bureau national des statistiques de Chine a publié un chiffre de croissance du pays au troisième trimestre à 6,9% en rythme annuel. C’est le taux le plus bas depuis la crise financière mondiale de 2009.
Il illustre bien le ralentissement de la deuxième économie de la planète. Les perspectives baissières sur la croissance du pays s’expliquent par l’obsolescence du modèle débuté dans les années 80 qui était basé sur les investissements publics d’infrastructures et les exportations.
En effet, l’endettement des pouvoirs publics locaux atteint aujourd’hui des niveaux très élevés ce qui limite le développement de nouveaux projets. De plus, la Chine voit sa compétitivité à l’exportation diminuer par rapport à ses voisins du sud-est asiatique en raison des hausses de salaires. L’augmentation des rémunérations dans le pays est à la fois une source du problème et le plus grand levier de solution. En effet, les économistes jugent que la relance en Chine passera par une transition économique qui doit stimuler le développement du marché intérieur mais aussi du secteur privé. En tant que pays le plus peuplé, la moindre hausse de la consommation des ménages constitue un formidable levier de demande pour les entreprises chinoises, et donc un grand relais de croissance. De plus, le gouvernement dispose des ressources financières
nécessaires pour favoriser ces évolutions majeures, bien que l’application concrète ne soit pas évidente.
Pourquoi les agriculteurs français sont-ils intéressés par la situation chinoise ?
Les facteurs d’explication sont multiples. Le premier impact s’est vu au mois d’août dernier. L’indice de la Bourse de Shanghai a connu plusieurs fortes baisses consécutives dues à la situation économique du pays et à l’éclatement d’une bulle spéculative. La contagion a été limitée sur les principales Bourses mondiales mais des effets secondaires sont à noter. En effet, pour tenter de limiter la chute de l’indice local et soutenir l’économie, les autorités chinoises ont pris des mesures pour relancer les exportations.
Or, la manière la plus simple de regagner en compétitivité est de permettre une dévaluation de la monnaie intérieure.
Ainsi, le yuan s’est replié de 4,5% en trois séances par rapport au dollar ce qui correspond à la baisse la plus importante depuis 2005.
Bien sûr, si une telle mesure soutient les exportations, elle pénalise les importations. La capacité de la Chine à acheter des matières premières sur le marché mondial a donc été réduite, ce qui a pesé sur les cours de ces dernières.
Le second impact est indirect.
À court terme, les difficultés du mois d’août en Chine ont généré des inquiétudes sur les marchés financiers en général. Or, les opérateurs exècrent le risque. Ils ont donc choisi de déplacer certains de leurs investissements vers des placements plus sûrs et ont ainsi délaissé les monnaies des pays émergents. Ces dernières se sont donc fortement dévaluées. De plus, à long terme, c’est le ralentissement global de
la croissance en Chine qui pénalise les pays émergents en freinant l’activité mondiale. Or, dans ces pays à l’économie parfois fragile, les moindres soubresauts peuvent finir par causer des crises majeures comme c’est le cas aujourd’hui au Brésil.
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