Allocation d’actifs: Les obligations semblent plus attrayantes

Les obligations et les actions ont zigzagué en raison de signaux contradictoires. Les marchés ont été déstabilisés par les déboires de l’économie chinoise. Selon de récentes données, la consommation intérieure reste en berne à cause de la faiblesse du secteur immobilier et les autorités n’ont pas proposé de mesures de relance suffisantes pour soutenir la croissance. Dans le même temps, la résilience de l’économie américaine semble avoir conduit à une réévaluation du moment où la Réserve fédérale américaine pourrait commencer à assouplir sa politique monétaire, ce qui a entraîné une hausse des taux d’intérêt réels et donc pesé sur les actions. Les investisseurs ont conclu que la Fed devrait probablement maintenir les taux à la hausse plus longtemps que prévu en raison de statistiques étonnamment solides. Cependant, selon nous, les économies commencent à ressentir les effets de la politique monétaire plus restrictive et la croissance devrait ralentir à l’avenir.

C’est en partie pour cette raison que nous continuons à surpondérer les obligations. Étant donné que les rendements des bons du Trésor américain sont supérieurs à notre estimation de leur juste valeur (3,5%), la dette souveraine américaine semble de plus en plus attractive.

En parallèle, nous restons neutres vis-à-vis des actions. Les bénéfices des entreprises aux États-Unis et en Europe sont restés solides grâce à une croissance économique étonnamment résiliente. Mais nous doutons que cela puisse continuer. La hausse des bénéfices devrait ralentir, notamment en Europe, car les augmentations des taux d’intérêt et des salaires pèsent sur les marges bénéficiaires. De plus, la hausse des rendements réels a commencé à faire pression à la baisse sur les multiples des actions. En outre, la situation du marché de l’emploi devrait peser de plus en plus sur les marchés d’actions, notamment sur leurs performances par rapport aux obligations. En effet, historiquement, l’un a toujours suivi l’autre de près (voir Fig.2).

Fig1. Grille d’allocation d’actifs mensuelle
Septembre 2023
Source: Pictet Asset Management

Nos indicateurs de suivi du cycle économique ont légèrement baissé dans l’ensemble.

Alors que les bonnes surprises se poursuivent du côté de l’économie américaine, la consommation, sur laquelle la croissance s’est appuyée, devrait ralentir avec la diminution de l’excédent d’épargne des ménages. Les indicateurs avancés suggèrent en outre que les dépenses d’investissement du secteur privé sont sur le point de chuter. Même si la désinflation continue, avec un recul de l’indice des prix à la consommation à 3,2% en variation annuelle, le risque d’un sursaut de l’inflation persiste – les entreprises ont été en mesure de répercuter l’augmentation des prix sur les consommateurs sans que cela ne nuise à la demande.

La croissance européenne est à la traîne. Les services et l’industrie manufacturière commencent à perdre pied du fait des hausses de taux qui freinent la croissance du crédit. Le Japon reste l’économie développée la plus solide. Sa croissance devrait, selon nous, dépasser son potentiel cette année et l’année prochaine grâce à une politique monétaire accommodante. Cependant, le secteur industriel est encore en difficulté. Il est peu probable qu’il rebondisse en cas de ralentissement du commerce mondial.

Nous avons revu à la baisse nos prévisions de croissance en Chine pour l’année en cours, de 5,8% à 5,4%. Les données du mois de juillet étaient moroses, en particulier les ventes au détail, ce qui suppose que la croissance est en phase de ralentissement après une première partie d’année solide. De plus, aucune reprise significative dans un avenir proche ne semble se profiler. Les ménages chinois accumulent de l’épargne tandis que le marché immobilier souffre. Les surfaces vendues le sont à des prix ayant atteint de nouveaux planchers cycliques et inférieurs de 50% à la tendance à long terme. Sur les marchés émergents dans leur ensemble, le panorama est toutefois plus encourageant. Les économies émergentes se montrent plus résilientes que les marchés développés, et comme elles sont plus avancées dans le cycle de lutte contre l’inflation, elles devraient être les premières à entamer un assouplissement de leur politique monétaire, même si cela sera probablement compensé, dans une certaine mesure, par le ralentissement des échanges.

Nos indicateurs de liquidité restent globalement inchangés. L’heure est au resserrement dans les pays développés tandis que les marchés émergents assouplissent leur politique monétaire. Nos signaux de marché sont neutres dans l’ensemble. Aux États-Unis, le resserrement quantitatif mené par la Fed, c’est-à-dire la baisse de ses positions en obligations, a été compensé par le déficit budgétaire important du gouvernement. Cet effet compensatoire est en partie dû à des facteurs techniques liés à la méthode de financement du déficit. Cela devrait néanmoins s’avérer provisoire, ce qui ouvrira la voie à un durcissement des conditions d’accès aux liquidités dans les prochains mois.

En Europe, les conditions monétaires continuent de se resserrer, alors qu’elles restent accommodantes au Japon. Même si la Chine adopte un positionnement monétaire plus accommodant, elle refuse d’ouvrir les vannes du crédit de crainte d’accroître l’endettement des gouvernements locaux et du secteur de l’immobilier. Les mesures prises risquent de s’avérer trop faibles et trop tardives.

Fig.2– Emplois vs actions
Offres d’emploi aux États-Unis vs performance des actions mondiales par rapport aux obligations
Source: Refinitiv, MSCI, JPM, Pictet Asset Management. Données couvrant la période allant du 01.01.1997 au 30.08.2023.

Nos mesures de valorisation montrent que les actions restent la seule classe d’actifs qui soit chère.

Nous tablons sur une croissance des bénéfices des entreprises des marchés développés nettement inférieure au consensus. Même si leurs multiples ont baissé, les actions se négocient au-dessus de notre prévision de juste valeur. En outre, pour la première fois depuis 2001, les actions sont chères aux États-Unis par rapport aux obligations. La prime de risque sur les actions américaines s’élève à 3,2%. Parallèlement, les rendements obligataires américains ont enregistré des niveaux inédits depuis 2008. Le rendement des titres à 10 ans a atteint pas moins de 4,35% en août.

Nos indicateurs techniques pointent vers un risque d’affaiblissement des marchés actions. Le positionnement net des investisseurs sur les contrats à terme du S&P 500 affiche ses niveaux les plus haussiers depuis un certain temps. Cela limite la marge de progression des actions, de notre point de vue.

02
Secteurs et régions: Le Japon attire

Les investisseurs découvrent de nouveau le Japon. Les flux entrants sur le marché actions du pays en provenance d’investisseurs étrangers sont à leur niveau le plus élevé depuis dix ans.

La vigueur de l’économie et les changements apportés aux règles d’investissement au niveau national laissent à penser que cette demande pourrait considérablement augmenter. C’est pourquoi nous relevons les actions japonaises de neutre à surpondérer.

Le Japon est la seule grande économie développée dont les perspectives de croissance restent solides. En effet, selon nos prévisions, la hausse du PIB devrait s’inscrire au-dessus du potentiel de l’archipel. Nous nous attendons à ce que la croissance des bénéfices par action soit la plus forte parmi les marchés développés, avec 7,2% en 2023 et 6,2% l’année suivante.

La faiblesse du yen a contribué à soutenir les bénéfices des entreprises nippones. S’ajoute à cela une solide reprise intérieure. Les valorisations des actions nippones sont bonnes et les investisseurs étrangers sont encore sous-investis, même s’ils ont augmenté leurs allocations ces derniers mois.

Le rendement du dividende des actions nippones a nettement dépassé celui des actions américaines en 2018, et les rachats d’actions ont augmenté chaque année depuis 2009, à l’exception de 2020. Par ailleurs, les sociétés japonaises affichent des flux de trésorerie très élevés ainsi que des soldes de trésorerie importants, tandis qu’aux États-Unis, elles sont fortement endettées. Après une longue période de déflation, l’inflation devrait forcer les entreprises de l’archipel à utiliser plus efficacement tout l’argent accumulé.

Fig. 3– La bonne performance japonaise
Croissance du PIB réel, rendement des bénéfices et du dividende et rendement obligataire réel au Japon vs aux États-Unis, en %
Source: Revinitiv, Pictet Asset Management. Le rendement des bénéfices est calculé à partir des bénéfices à terme sur 12 mois, 2023/24; le TCAC du PIB réel repose sur les prévisions de PIB de l’équipe macro de PAM et les rendements obligataires réels à 10 ans sont basés sur le rendement nominal actuel d’une obligation souveraine à 10 ans moins les prévisions d’inflation en 2024 de l’équipe macro de PAM. Données au 29.08.2023.

Nous restons neutres vis-à-vis des actions américaines.  Malgré une légère baisse des valorisations des actions américaines au cours du mois dernier, le marché reste relativement onéreux, très probablement par rapport aux obligations. Les bénéfices à terme sur 12 mois du S&P 500 s’élèvent par exemple à 5,4%, tandis que les bons du Trésor américain à trois mois proposent 5,5% et que l’indice Bloomberg corporate investment grade bond affiche 5,8%. Les investisseurs en actions américaines ne sont pas suffisamment récompensés pour les risques qu’ils prennent.

Par ailleurs, nous maintenons notre surpondération des marchés émergents, hors Chine. Les baisses de taux d’intérêt dans toute la région devraient engendrer une hausse des valorisations des actions des marchés émergents. En outre, l’Amérique latine présente également une bonne dynamique budgétaire, en particulier le Brésil et le Mexique. Nous restons positifs sur les actions de qualité, ce qui conforte notre surpondération des actions suisses. En ce qui concerne l’Europe dans son ensemble, nous sommes sous-pondérés. Le durcissement des conditions monétaires et l’effondrement de la croissance du crédit commencent à peser sur la croissance économique de la région. Nous tablons sur une contraction de 2,1% des bénéfices des entreprises européennes cette année. C’est inférieur au consensus du marché, qui prévoit une croissance de 3,3%.

Nous maintenons notre surpondération du secteur des télécommunications compte tenu de la forte augmentation des bénéfices observée. Par exemple, sur les trois derniers mois, les médias et les divertissements ont enregistré les plus fortes hausses de bénéfices de l’année. Nous conservons également notre surpondération des biens de consommation de base. Ce secteur défensif a plutôt bien résisté ces derniers temps, malgré la pression que les taux et l’inflation élevés commencent à exercer sur les consommateurs. Nous sous-pondérons en revanche l’immobilier. Le secteur reste structurellement en difficulté dans le sillage de la pandémie. Les valorisations semblent attrayantes. Mais les mauvaises nouvelles sont nombreuses.

03
Obligations et devises: Les bons du Trésor sont une source de rendement

La Fed devrait bientôt pouvoir mettre fin à sa campagne de resserrement la plus agressive en quatre décennies. C’est le tableau qui ressort de nos indicateurs de suivi du cycle conjoncturel. D’après notre analyse, les taux d’intérêt aux États-Unis ont peut-être atteint leur maximum avec la fourchette actuelle de 5,25-5,50%. Ils sont, selon nous, suffisamment élevés pour ramener, au cours des deux prochaines années, l’inflation à l’objectif de 2% fixé par la banque centrale.

Le marché des obligations d’État américaines n’intègre pas ce scénario. Même si le rendement de référence des bons Trésor américain a récemment reculé après avoir atteint son plus haut niveau en 16 ans, il s’élève encore à 4,1%, soit 60 points de base de plus que ce que nous considérons comme sa juste valeur. Dans le même temps, les rendements obligataires américains ajustés en fonction de l’inflation ont récemment atteint leur plus haut niveau en 14 ans (voir Fig.4). Pour toutes ces raisons, nous conservons notre surpondération des obligations d’État américaines.

Fig.4– Performances réelles élevées
Rendement des obligations d’État américaines à 10 ans ajusté en fonction de l’inflation
Source: Refinitiv, données couvrant la période allant du 30.08.2018 au 30.08.2023

Nous maintenons également notre surpondération de la dette en devise locale des pays émergents hors Chine.

Le Brésil et le Chili ont commencé à réduire leurs taux d’intérêt alors que l’inflation sur ces marchés recule plus rapidement que prévu. Au cours des prochains mois, des tendances similaires seront, selon nous, à l’œuvre dans d’autres économies émergentes.

Il faut surtout noter que la dette en devise locale des marchés émergents offre également une exposition aux devises émergentes,. Ces dernières sont sous-évaluées d’environ 18% selon notre mesure de juste valeur.

Nous maintenons notre sous-pondération des obligations d’État japonaises. La Banque du Japon devrait progressivement mettre fin à ses mesures de relance non conventionnelles durant les mois à venir. Elle a ainsi récemment déclaré que son objectif d’inflation de 2% est «à présent clairement en vue» alors que l’économie poursuit sa reprise post-Covid.

Parmi les obligations d’entreprises, nous maintenons notre position sous-pondérée sur le haut rendement. Les spreads des obligations à haut rendement américaines sont actuellement inférieurs à 400 points de base, un niveau qui est trop faible compte tenu de nos prévisions d’un ralentissement de la croissance économique américaine.

Nous tablons sur une augmentation du taux de défaut car de forts niveaux d’endettement et une baisse des marges bénéficiaires compliquent les bilans des sociétés. Les obligations investment grade émises des deux côtés de l’Atlantique ne semblent pas non plus attrayantes.

Aux États-Unis, le rendement supplémentaire qu’elles offrent par rapport au cash a atteint des planchers que l’on n’avait plus observés depuis des décennies avec seulement 30 points de base. Les investisseurs ne sont ainsi pratiquement pas rémunérés pour la prise de risques supplémentaires1.

Sur le front des changes, nous conservons la surpondération du franc suisse. Cette monnaie devrait profiter de nouvelles hausses de taux d’intérêt décidées par la BNS et continuer d’offrir une couverture fiable contre toute dégradation de la conjoncture.

Nous surpondérons également l’or. L’affaiblissement du dollar, la hausse des allocations des banques centrales et le pic des taux réels sont autant de soutiens potentiels pour le métal précieux.

Nous sous-pondérons la livre sterling. L’économie britannique est davantage menacée par la stagflation que toute autre économie développée malgré les 14 relèvements de taux effectués par la Banque d’Angleterre depuis 2021, portant ceux-ci à leur plus haut niveau depuis 2008.

[1] Bloomberg US corporate investment grade bonds et taux du Trésor américain à 3 mois. Sources: Refinitiv et Bloomberg, données au 30.08.2023

04
Vue d’ensemble des marchés mondiaux: Les actions manquent de souffle

Les marchés boursiers mondiaux ont manqué de souffle en août. Ils ont terminé le mois en baisse d’environ 2% en devise locale. Les investisseurs appréhendaient un ralentissement de la croissance économique en Chine et la possibilité de voir les taux d’intérêt américains rester élevés pendant un certain temps.

La saison des résultats a suscité un peu d’espoir, en particulier aux États-Unis, où les entreprises ont annoncé des reculs plus faibles que prévu de leurs bénéfices. À l’approche de la fin de la période des publications aux États-Unis, 79% des sociétés du S&P 500 ont fait mieux que les prévisions de bénéfices des analystes, selon les données de Refinitiv. La situation est moins réjouissante en Europe, où nous en sommes seulement à la moitié de la saison. Seulement 53% des sociétés du STOXX 600 ayant déjà communiqué leurs bénéfices du deuxième trimestre ont dépassé les prévisions.

Cela a eu un impact sur la performance des marchés boursiers, avec une baisse d’environ 3% des actions européennes en août et un recul plus modeste de 1,7% sur le marché américain.

Pratiquement toutes les grandes régions ont essuyé des pertes, à l’exception du Japon, dont les résultats sont restés stables en devise locale. L’affaiblissement du yen et l’amélioration des perspectives économiques ont été de bon augure pour les sociétés japonaises et les cours de leurs actions.

Fig.5 – Dollar et taux américains
Les différentiels de taux de rendement ont soutenu le dollar en août
Source: Refinitiv, données couvrant la période allant du 01.01.2021 au 30.08.2023

Sur le plan sectoriel, l’énergie, soutenue par la hausse des cours du pétrole, a été le seul secteur à ne pas être dans le rouge. Le récent rebond des actions technologiques a pris fin du fait de l’inquiétude des investisseurs au sujet des valorisations élevées. Les flux entrants dans le secteur sont pourtant restés solides.

Parmi les obligations souveraines des marchés développés, les bons du Trésor américain ont enregistré la performance la plus faible, avec une baisse d’environ 1%. Les investisseurs ont commencé à intégrer la possibilité que la Fed n’en ait pas encore fini avec les relèvements de ses taux d’intérêt, et qu’elle puisse maintenir ses taux aux niveaux actuels plus longtemps que prévu.

La hausse des rendements américains a contribué au renchérissement du dollar (voir Fig.5). Ce dernier a gagné 1,7% en août face à un panier de devises pondéré par les échanges.

Cela a pesé sur les obligations en devise locale des marchés émergents qui ont cédé 2,7%. Les craintes concernant la croissance économique chinoise ont également affecté le sentiment de marché et les performances.

By Action Future

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