Par Swiss Life AM
– Notre scénario de base table sur une reprise en U de l’économie mondiale au second semestre 2020.
– La consommation de charbon chinoise, bon indicateur de l’activité industrielle, ne cesse de croître.
– Des « coronabonds » en vue ? La zone euro devra sans doute adopter un dispositif de partage des risques pour sécuriser la situation.
Avec la propagation mondiale du coronavirus et l’adoption de mesures de confinement strictes, la plupart des pays vont voir leur production s’effondrer. Des mesures budgétaires et monétaires généreuses, telles qu’une hausse des dépenses publiques (barres rouges foncées), de la liquidité et des garanties de prêts aux entreprises (barres grises) sont déjà annoncées. Parallèlement, le chômage partiel déjà en place avant 2020 est décisif pour amortir le choc sur les marchés du travail.
Le Royaume-Uni a introduit un tel programme en mars 2020. Dénués de ce dispositif, les Etats-Unis devraient voir leur taux de chômage s’envoler malgré un plan d’aides publiques de 2 000 milliards de dollars.
Etats-Unis
Une récession soudaine
Depuis notre dernière édition, les Etats-Unis sont passés d’un des pays développés les moins touchés à l’épicentre de l’épidémie de coronavirus. Avec des tests enfin à la hauteur, les statistiques d’infection sont devenues plus fiables et dénotaient (à l’heure où nous écrivons ces lignes) une hausse toujours exponentielle des nouveaux cas. En termes de progression, le pays affiche respectivement environ 15 et 9 jours de décalage par rapport à l’Italie et à la Suisse. Des mesures de confinement encore plus strictes pourraient donc s’imposer, d’où notre prévision d’une récession immédiate, brutale mais courte au premier semestre. Contrairement aux pays européens, les Etats-Unis n’ont aucun dispositif national de chômage partiel et les entreprises touchées par la crise ont licencié en masse. Sur la dernière semaine de mars et la première d’avril, 10 millions de travailleurs (6% des salariés américains) se sont inscrits au chômage. Suite à cette hausse inédite, le taux de chômage pourrait atteindre 10-15% en avril- mai, avant de retomber rapidement si les mesures de confinement sont assouplies comme prévu, mais le re- tour à la normale prendra du temps. Notre scénario de base prévoit des restrictions durables dans les services et des aides budgétaires insuffisantes pour pallier le déficit de demande. Malgré une reprise graduelle au second semestre, la production ne devrait retrouver son niveau d’avant-crise que début 2021.
Inflation
La chute du baril pourrait faire passer l’inflation totale de 2,5% en janvier à seulement 0,8% en avril. L’inflation sous-jacente a surpris à la hausse en janvier-février et elle ne devrait reculer que très peu, à 2,1-2,3%, ces prochains mois. La demande insuffisante, désinflationniste, pourrait être compensée, au moins à court terme, par la pression inflationniste due au choc de l’offre.
Zone euro
Prochaine étape : le coronabond ?
Outre ses pertes humaines inédites, la pandémie de coronavirus entraîne également une chute de l’activité jamais vue au premier semestre. Nous ne disposons pas de données chiffrées à l’heure où nous écrivons, mais les enquêtes de la zone euro n’incitent pas à l’optimisme. En mars, l’indice des directeurs d’achats (PMI) des services est tombé à 26,4 points, un record de contraction absolu (bien en deçà des 40,9 enregistrés pendant la crise financière de 2009). L’indice PMI manufacturier a mieux résisté, à 44,5 points, mais il devrait encore reculer en avril face à l’érosion de la demande extérieure et à l’interruption de toute activité industrielle non essentielle en Espagne et en Italie fin mars.
Notre scénario de base prévoit une reprise de l’activité en mai-juin, à condition que l’efficacité des mesures de confinement ait suffi à les assouplir partiellement. Le coût économique, surtout en Italie, sera néanmoins colossal et des problèmes budgétaires frapperont bientôt ce pays très endetté. La politique monétaire (multiplication des achats d’actifs et déplafonnement des dépenses de la BCE) a réussi jusqu’ici à éviter un creusement des écarts de rendement des obligations périphériques, mais à moyen terme l’UEM devra sans doute mutualiser les risques pour éviter une « crise de l’euro 2.0 », en recourant à des dispositifs existants comme le Mécanisme européen de stabilité (MES) ou à l’émission d’euro-obligations (les « coronabonds »).
Inflation
Avec les ravages économiques du coronavirus, les banques centrales auront encore plus de mal à atteindre leur objectif d’inflation. Même si la pénurie temporaire de certains biens peut tirer les prix à la hausse, cet effet sera contrebalancé selon nous par le recul des tarifs de l’énergie à court terme et par un creusement de l’écart de production à moyen terme.
Allemagne
Adieu l’excédent budgétaire
Croissance du PIB
A un peu plus de 6 000 cas, l’institut Robert-Koch relevait le niveau de menace pour l’Allemagne à « élevé » le 17 mars. Depuis, les malades sont encore plus nombreux. Tout en évitant un confinement total, l’Allemagne a interdit le 22 mars tout rassemblement de plus de deux personnes avant au moins le 20 avril, nous incitant à réduire fortement nos prévisions de PIB 2020 en vue d’une baisse massive de la production en mars-avril, puis d’une reprise. L’ampleur de la chute sera très supérieure à celle constatée lors de la crise financière mondiale. Le chômage partiel aidera à atténuer les pertes d’emplois, qui devraient toutefois augmenter selon nous. Les prévisions à six mois des entreprises de l’enquête Ifo de mars n’avaient jamais autant reculé, dans tous les secteurs sauf l’alimentaire/boissons et les articles de toilette. C’est le tertiaire qui a le plus souffert, surtout les agences et organisateurs de voyages, ainsi que l’hôtellerie-restauration.
Face à ce choc économique sans précédent, le ministre allemand des Finances Olaf Scholz a laissé entendre, le 13 mars, que l’excédent budgétaire serait sacrifié. Le 25 mars, le Bundestag a supprimé le frein à l’endettement et adopté un plan de relance de 750 milliards d’euros comportant 600 milliards d’euros de garanties de prêts (environ 10% du PIB) et 120 millions d’euros de dépenses publiques supplémentaires (3,5%). Ce plan de soutien massif devrait contribuer à un redressement progressif de l’activité au second semestre 2020.
Inflation