Alexandre Baradez, Responsable Analyses Marchés chez IG France
Même si les marchés américains étaient fermés lundi, le début de semaine a été marqué par la bonne tenue des marchés européens malgré la forte hausse des tensions politiques entre les Etats-Unis et la Chine ce week-end.
Outre le DAX qui a touché son plus haut niveau depuis le 6 mars, avec une volatilité divisée par 3 depuis la phase de stress intense de mi-mars et récupérant ainsi plus de 55% de toute sa baisse, des signes positifs ont également été visibles sur d’autres marchés. C’est le cas par exemple pour le taux à 10 ans de l’Italie qui a touché son plus bas niveau en 6 semaines à 1.57%, l’écart avec le taux à 10 ans de l’Allemagne évoluant toujours proche des 200 points de base et continuant à surfer sur l’élan positif insufflé par la proposition du plan de relance européen.
Signes positifs également au niveau des anticipations d’inflation en zone euro qui se sont redressées lundi au-dessus de 0.90%, soit le plus haut niveau atteint en 3 semaines.
Une détente qui tranche donc avec l’ambiance particulièrement tendue du week-end et de la fin de semaine dernière entre les Etats-Unis et la Chine où les menaces se sont succédées. Des menaces à plusieurs niveaux. Tout d’abord la menace de pouvoir délister une entreprise chinoise des indices boursiers américains si elle ne respecte pas certaines règles, menace ayant vu le jour par l’adoption au Sénat d’un projet de loi qui devra encore être validé par la Chambre des représentants. Des menaces également de sanctions américaines contre la Chine si elle mettait en œuvre une loi particulièrement controversée sur la sécurité à Hong Kong. Ces tensions s’ajoutant à celles générées par les nouvelles restrictions américaines concernant la vente de semi-conducteurs à Huawei il y a quelques jours. Sans oublier l’annonce par un fonds de retraite américain de retarder indéfiniment un investissement initialement prévu dans un indice MSCI, qui incluait les actions de plusieurs entreprises chinoises…
Ces tensions ont fait reculer le yuan face au dollar, sur des niveaux pas vus depuis octobre, mais ont eu relativement peu d’impact sur le comportement des investisseurs par rapport aux marchés actions. Et ce contraste s’ajoute évidemment à celui de la trajectoire des marchés actions par rapport aux vents contraire de l’économie mondiale.
L’explication se trouve probablement encore une fois du côté des banques centrales et de la Fed notamment.
La taille du bilan de la Réserve Fédérale vient de dépasser les 7000 milliards $ soit l’équivalent de 32% du PIB des Etats-Unis. La Fed a encore acheté en l’espace d’une semaine environ 111 milliards$ d’actifs composés de titres de crédit hypothécaire (MBS), de bons du Trésor (Treasuries) mais également, et c’est une nouveauté depuis quelques jours, d’obligations d’entreprises via des ETF notamment. Au cours des 6 premiers jours de ce programme (annoncé quelques semaines auparavant et qui avait accéléré le rebond des marchés actions), la Fed a procédé à l’achat de 1.8 milliards$ d’ETF incluant notamment des obligations « high yield », c’est-à-dire des obligations d’entreprises à haut rendement (plus risquées donc) se trouvant en catégorie « spéculative ».
Même si l’expansion du bilan de la Fed depuis le début de la crise est colossale (+66% depuis mars soit 2800 milliards $) sa taille rapportée au PIB américain (c’est-à-dire 32%) est plus faible que d’autres banques centrales. Le bilan de la BCE par exemple représente déjà 46% du PIB de la zone euro et celui de la Banque du Japon représente 116% du PIB du Japon. Sans parler du bilan de la banque centrale suisse qui représente 122% du PIB de la Suisse !
Ce qui signifie que la Fed dispose encore de marges de manœuvre par rapport à d’autres banques centrales…et pourrait donc continuer à influencer positivement l’évolution des marchés financiers à moyen terme.
Mais ce chemin ne sera toutefois pas un long fleuve tranquille face aux vents contraires économiques et au regain de tensions politiques entre les Etats-Unis et la Chine.