Par Alexandre Baradez, responsable analyses marchés chez IG France
Alors que les Etats et les banques centrales interviennent massivement depuis plusieurs semaines pour soutenir des économies frappées de plein fouet par la pandémie, le risque de faillite s’accroît avec la durée des mesures de confinement.
Chaque crise a entraîné ses faillites : lors de la bulle internet, on se souvient surtout de celle d’Enron en décembre 2001, puis en pleine crise des subprimes en septembre 2008, de celle de Lehman Brothers déclenchant un risque systémique majeur.
La différence entre la crise actuelle et les deux crises précédentes, qui ont entraîné des récessions, c’est la vitesse de réaction des gouvernements et des banques centrales quelques jours seulement après les premiers décrochages des places financières, pour justement préserver au maximum l’emploi et permettre aux entreprises de passer cette phase temporaire difficile. Que ce soit la Fed, la BCE ou encore le FMI, le constat est le même à chaque fois : nous sommes dans une crise sévère mais temporaire.
Mais tout est dans le mot « temporaire » : 3 mois ? 6 mois ? plus ? Et plus le temps passe, plus le risque de faillite s’accroît.
Il y a quelques jours, c’est l’opérateur de satellites OneWeb qui s’est placé sous le régime des faillites. L’entreprise avait levé plus de 3 milliards$ depuis sa création auprès de différents investisseurs dont SoftBank, Airbus ou encore Virgin mais avait encore besoin de capitaux pour poursuivre son expansion. Les discussions récentes, notamment auprès de SoftBank pour des financements de 2 milliards$ ont échoué.
Le groupe japonais SoftBank, investisseur majeur dans les sociétés « techs » à travers le monde, traverse également une très forte phase de turbulence accentuée par le choc mondial lié au Covid-19. Plusieurs sources ont indiqué que le groupe s’était rapproché du hedge fund Elliott Management et du fonds souverain d’Abu Dhabi pour discuter d’une possible sortie de la cote et devenir privé, la valeur du titre ayant été divisée par deux en l’espace de quelques semaines.
Ces discussions n’ont débouché sur rien et Softbank a dû se séparer de plus de 40 milliards$ d’actifs et racheter massivement ses propres actions pour plus de 20 milliards$ pour tenter de stabiliser la situation…des grandes manœuvres qui soulignent clairement les tensions financières catalysées par la crise sanitaire mondiale.
Plusieurs secteurs sont sous très forte pression actuellement, comme le secteur aérien. Le chef économiste de l’Association du transport aérien mondial (IATA) a récemment déclaré que toutes les compagnies aériennes ne survivraient pas à la crise et que le secteur allait connaître des restructurations inévitables.
Le secteur pétrolier est également sous forte pression notamment aux Etats-Unis avec un baril qui évolue à 20$, c’est-à-dire son plus bas niveau depuis 2002. Les agences de notation enchaînent les dégradations des entreprises du secteur et le président américain, qui saluait il y a quelques jours encore la forte baisse des prix, s’inquiète désormais des conséquences pour les entreprises américaines du secteur.
Ce qui nous emmène sur le terrain de la dette des entreprises, et notamment de la dette des entreprises américaines, qui a connu une envolée de près de 80% depuis la crise des subprimes.
Moody’s a dégradé cette semaine, de « stable » à négative » sa perspective pour les 6600 milliards$ de dettes d’entreprises non financières américaines…
Ce qui oblige à garder un œil très attentif, notamment sur le segment « « high yield », c’est-à-dire la dette qui ne se trouve pas en catégorie « investissement » mais en catégorie « spéculative ». Le secteur a connu sa plus forte phase de baisse depuis 2009 avant de se redresser mais le rebond s’essouffle depuis quelques jours…si la dette à risque des entreprises américaines est à nouveau vendue sur les marchés dans les jours qui viennent, peu de chance que les indices actions connaissent un autre sort.