Par Daniel Gerino, président et directeur de la gestion de Carlton Sélection
Les prix élevés du pétrole et l’appréciation du dollar pénalisent davantage les pays européens et émergents. Un contexte qui devrait rester globalement plus favorable aux marchés boursiers américains au cours des prochains mois.
Au-delà des inquiétudes entendues ici et là sur les menaces de guerre commerciale déclenchée par l’administration Trump, il serait temps de rappeler que le rétablissement de barrières douanières sur les importations américaines s’inscrit dans un projet de rééquilibrage de la balance commerciale des Etats-Unis vis-à-vis du reste du monde. Actuellement, le déficit commercial de l’économie américaine frôle les 390 milliards de dollars ! Pendant ce temps, l’économie chinoise tourne à 6,5% de croissance annuelle et déséquilibre les termes du commerce international. A ce titre, la démarche de Donald Trump n’a rien d’irrationnelle et vise à infléchir un rapport de force actuellement beaucoup trop favorable à la Chine. Ces mesures protectionnistes n’auront d’ailleurs qu’un impact limité sur l’économie mondiale. En outre, l’impact inflationniste de ces taxes restera limité.
En revanche, la décorrélation entre les marchés boursiers et la conjoncture s’accélère et n’a jamais été aussi forte. Cette performance des marchés actions, particulièrement spectaculaire aux Etats-Unis, peut s’expliquer par deux phénomènes : d’abord, il y a un incontestable « effet Trump » depuis son élection en novembre 2016. Les plans de baisse de la fiscalité des ménages et des entreprises ainsi que la relance budgétaire ont soutenu la dynamique de la conjoncture américaine. Mais un autre phénomène, passé sous silence, accentue aussi l’euphorie apparente des marchés. Les sociétés cotées sont de moins en moins nombreuses aux Etats-Unis (3.800 contre plus de 8.000 il y a vingt ans). Par ailleurs, les rachats d’actions réduisent la part du flottant et soutiennent l’envolée des cours.
Cette hausse des marchés actions américains, plus encore que le resserrement monétaire opéré par la Fed, attire des flux massifs d’investissements qui accentuent l’appréciation du dollar. Ce phénomène pénalise fortement les pays émergents qui subissent des sorties conséquentes de capitaux. L’imbroglio politique au Brésil vient s’ajouter à ce contexte défavorable et contribue, tout particulièrement, à accentuer la désaffection des investisseurs pour ce pays en panne de croissance.
Le pouvoir d’achat menacé par les prix du pétrole
Autour de 85 dollars le baril de brent, les prix du pétrole constituent, de leur côté, une vraie menace pour le pouvoir d’achat des ménages et pour la balance commerciale des pays importateurs, particulièrement en Europe où le pétrole est importé en très grande part alors que 60% de la production américaine d’hydrocarbures est destinée à son marché intérieur. Peu de facteurs plaident à court terme pour un retournement de tendance à court terme. L’offre est limitée par le retrait de l’Iran et du Venezuela du marché international alors que les capacités de production des grands exportateurs atteignent leurs limites. Quant à la demande, elle reste élevée en l’absence de récession économique au niveau mondial.
L’impact des prix du pétrole s’ajoute à un contexte incertain pour l’économie européenne et qui dépasse le cas épineux de l’économie italienne et des négociations difficiles du Brexit. Alors que le programme de quantitative easing de la BCE est en cours d’extinction, l’activité du crédit en zone euro devra également surmonter la fin du programme de TLTRO (prêts de long terme aux entreprises à des conditions très avantageuses). Quelles mesures de soutien alternatives la BCE envisage-t-elle de mettre en place ? Ces interrogations restent en partie sans réponse. Le refinancement de certains établissements financiers (en Italie notamment) à des taux plus élevés pourrait devenir problématique alors même que la BCE n’a pas commencé à relever ses taux directeurs mais finira bien par le faire, sans doute à partir de l’an prochain.
Dans un contexte de croissance limitée attendue pour l’an prochain (+1,2% en zone euro, +2% aux Etats-Unis), il convient, par conséquent, de continuer à privilégier davantage les marchés américains au détriment des marchés européens et surtout émergents. La récente correction, qui vise en particulier les valeurs de technologie et de l’industrie du luxe, offre de bons points d’entrée dans la mesure où les résultats du troisième trimestre seront bons et la menace de guerre commerciale finira par s’estomper.