Par Marc Albert Chaigneau **
De la révolution à l’inversion, publié aux éditions Edilivre.
La récente adhésion, le soutien d’une majorité de la population au mouvement des « gilets jaunes », que le gouvernement ne comprend pas, auquel il ne s’attendait pas, trouve son origine dans la progressive prise de conscience du caractère mythique des fondements de la fiscalité et des finances publiques.
Les premières manifestations concernent la large diffusion de l’absence de contribution fiscale des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) multinationales américaines qui, tout en réalisant d’énormes chiffres d’affaires et des profits colossaux, ne paient pas d’impôt en France. Fort peu dans les autres pays d’ailleurs.
En allant un peu plus loin, on apprend que la plupart des grandes entreprises « multinationales », fussent-elles des fleurons de l’industrie, du commerce ou de la finance français, ne contribuent pas beaucoup plus.
Qu’en conséquence, c’est la population, « les petits, les obscurs, les sans grade » qui financent seuls, les trains de vie de pachas des gouvernants, de leurs serviteurs et affidés.
Si, pendant un certain nombre d’années, les gouvernants, assistés par une presse servile, ont pu faire croire que cette situation était due à la fourberie et à la fraude, organisée par ces grandes entreprises, le mythe est en train de tomber.
De plus en plus nombreux sont ceux, qui prennent conscience que la véritable responsabilité ne se trouve pas du côté des entreprises, qui ont naturellement pour vocation de faire des profits et de les conserver. Mais du côté de la fiscalité, qui leur permet de profiter sans contribuer.
Cette situation repose sur des mythes. Ils sont assez nombreux, tant dans la fiscalité que dans les finances publiques, mais les principaux peuvent être exposés suffisamment simplement pour être compris par tous.
Concernant la fiscalité, deux mythes sont prépondérants : la complexité de la fiscalité, soi-disant destinée à lutter contre la fraude et l’application de la fiscalité a posteriori, c’est-à-dire en fonction d’un résultat et non d’un phénomène.
Toute complexité favorise la fraude. Par contre, elle réduit le pouvoir du ministère et de l’administration des finances. A titre d’exemple, s’il existe un seul taux d’imposition pour tel type d’opération se déroulant en France, toute fraude nécessitera l’usage d’artifice et sera facile à détecter. S’il existe plusieurs taux d’imposition, faisant l’objet de plusieurs comptes, il suffira de passer de l’un à l’autre, pour réduire l’imposition. Il est clair que les entreprises en question font appel à des techniques plus élaborées et que la grande complexité de la fiscalité leur facilite la tâche. Pour une entreprise internationale, qui ne veut pas payer d’impôt sur les bénéfices en France, il suffit d’avoir autant de dépenses que de recettes. Une partie des dépenses, facturées de l’étranger, ou à l’étranger à un fournisseur ou prestataire de service, lui-même hors de France, permettant de faire ressortir les profits où bon lui semble, un paradis fiscal quelconque, le Luxembourg, pour ne pas aller loin.
Ceci montrant la combinaison des deux phénomènes, puisque ce résultat est atteint grâce au fait que la fiscalité est appliquée « a posteriori », sur le résultat. En l’occurrence l’absence de différence entre les recettes et les dépenses. Le mythe reposant sur l’idée que ce résultat est aléatoire, ne dépend pas de la volonté de l’entreprise, alors que dans la réalité elle peut parfaitement équilibrer les comptes à sa convenance. En conséquence, maîtriser sa fiscalité, en l’occurrence, son absence de fiscalité. Ce qui d’ailleurs peut n’avoir rien de frauduleux, les dépenses pouvant parfaitement être réelles, faites dans l’intérêt de l’entreprise et de son développement. Si les opérations sont internationales, avec des mouvements financiers divers, impliquant plusieurs acteurs. Il est parfaitement impossible, pour le fisc français, de faire la différence.
D’autres mythes affectent également les finances publiques. Les principaux sont, là aussi, assez simples à énoncer. Les premiers concernent l’équilibre des comptes. D’abord dans le temps, il est impossible d’équilibrer des comptes dans le passé ou dans l’avenir. Mais cette prétention sert aux gouvernants à justifier des déséquilibres dans le présent, alors que c’est le seul moment ou ils pourraient être assurés. Ensuite en appliquant la théorie des ensembles au budget. Il est impossible de demander à un ensemble de présenter des qualités dont sont dépourvus les éléments qui le composent. On ne peut pas non plus demander à des comptes de mouvement de présenter des situations équilibrées, on ne peut l’obtenir que de comptes de situation.
L’application de ces règles montre que les comptes publics, tels qu’ils sont élaborés et présentés, n’ont aucune valeur probante et ne peuvent servir qu’à justifier ou dissimuler tout et n’importe quoi.
Loin de moi l’idée que la majorité de la population puisse avoir conscience, ou surtout soit capable d’exprimer de telles réserves sur la fiscalité ou les finances publiques. Néanmoins, je pense qu’un certain degré de prise de conscience se fait jour et que la gigantesque supercherie qu’ils dissimulent commence à apparaître.
Je m’en réjouis.