Par Jim Tierney, Chief Investment Officer, croissance concentrée aux Etats-Unis, Alliance Bernstein
Les marchés d’actions ont repris des couleurs en juin lorsque la Réserve fédérale américaine s’est montrée résolument conciliante, rejoignant les rangs de la plupart des autres banques centrales.
Or, après la forte hausse qui les a rapprochées de records en fin de trimestre, quelle marge de progression reste-t-il aux actions américaines ?
Au cours de ces sept derniers mois, la Fed a radicalement changé de discours. Après avoir été perçue comme incisive en décembre, elle s’est positionnée comme neutre en février, pour finalement se montrer conciliante en juin. L’accumulation des signes de ralentissement macroéconomique aux États-Unis et dans le reste du monde a précipité ces ajustements.
Décisions de la Fed : deux effets sur les actions américaines
Du point de vue des investisseurs en actions, le marché valorise deux dynamiques – une baisse des taux d’intérêt et l’anticipation de mesures de relance de l’économie américaine de la Fed, si nécessaire. Le rendement des emprunts d’État américains à 10 ans a reculé à environ 2 %, ce qui a un impact théorique et réel sur les niveaux de valorisation des actions.
Le premier a trait au taux d’actualisation. Lorsque les flux de trésorerie futurs d’une entreprise sont actualisés sur la base d’un taux plus faible, ils valent davantage aujourd’hui. Quant à l’impact réel, il est le suivant : la perspective d’un rendement de 2 % sur les emprunts d’État au cours des 10 prochaines années rend bien plus intéressant le potentiel de performance supérieur des actions. Ces deux phénomènes entraînent les prix des actions à la hausse (en particulier les actions de croissance, dont les flux de trésorerie sont plus éloignés), comme nous l’avons observé en juin.
Et si l’économie faiblit encore ?
La position de la Fed fait davantage débat pour plusieurs raisons. Premièrement, une grande partie de la faiblesse économique actuelle est le fruit de décisions politiques. Deuxièmement, l’économie américaine est encore relativement dynamique, puisqu’elle affiche une croissance du PIB de 3 % au cours des deux dernières années, un taux de chômage à son plus bas depuis 20 ans (moins de 4 %) et des hausses salariales dépassant les 3 %. Troisièmement, si la Fed assouplit sa politique aujourd’hui, on peut s’interroger sur les munitions qui restent à sa disposition en cas de vraie récession. Deux questions se posent alors : des baisses de taux stimuleront-elles l’économie ? Que se passera-t-il en 2020 et au-delà si nous avons réellement besoin d’une politique de relance ? Difficile de répondre à la première question. Les baisses de taux cherchent à inciter les entreprises à emprunter et à investir davantage. Or, les projets d’investissement qui n’étaient pas réalisables avec un taux d’intérêt de 2,5 % ne le seront pas davantage à 2 %. La diminution des taux est donc peu susceptible de stimuler l’économie de cette façon. Quant à la deuxième question, la Fed va devoir se montrer extrêmement créative en cas de contraction économique prononcée, car les outils à sa disposition s’amenuisent. C’est pour cette raison qu’elle voulait rapprocher les taux de leurs moyennes à long terme avant son revirement récent.
Un environnement plus favorable aux actions
Quelles que soient les réponses à ces questions, le changement de tactique de la Fed a son importance pour les investisseurs. Maintenant que la plupart des grandes banques centrales relâchent également leur politique monétaire, les conditions deviennent plus porteuses pour les actions. Même après l’envolée de cette année, les actions américaines se négocient à seulement 17 fois le résultat attendu au cours des 12 prochains mois. Avec un rendement du dividende de 2 % (indice S&P 500), les actions détiennent un avantage sur les obligations. La principale inquiétude concerne maintenant les résultats des entreprises, dont les prévisions de croissance ont reculé, sans pour autant être tombées dans le rouge. Quant aux risques actuels, la probabilité d’un choc négatif, comparable à la chute de 40 % des résultats observée en 2008, est peu probable. Les actions détiennent donc un potentiel de performance considérable. Il importe toutefois d’être sélectifs, car la croissance du résultat devient une denrée rare.
Les entreprises de croissance premium ont des atouts
L’agitation des marchés pousse à être particulièrement attentifs aujourd’hui à plusieurs caractéristiques signalant un potentiel de croissance stable. Nous recherchons des entreprises dans des secteurs attrayants ; elles doivent, en outre, présenter une bonne croissance des volumes et avoir un avantage concurrentiel durable ou en expansion. Une rentabilité élevée (que mesure le rendement des capitaux investis), un flux de trésorerie généreux et un bilan solide ont aussi leur importance. Malgré tout, les risques commerciaux et politiques ne peuvent être totalement écartés. Nous estimons que les portefeuilles d’actions comportant un nombre de titres réduit ont l’avantage de pouvoir s’éloigner de certaines expositions et d’investir dans des secteurs moins vulnérables. Bien entendu, il est quasiment impossible d’éviter tous les risques compte tenu de la portée des problèmes qui sont apparus au cours de l’année écoulée et de la vitesse à laquelle ils surgissent. C’est pourquoi une équipe de gestion compétente pour naviguer dans l’environnement actuel est essentiel.
Ainsi, même après la belle performance de cette année, les actions restent une catégorie d’actifs intéressante, en particulier en raison du soutien des banques centrales. Dans un contexte difficile de ralentissement de la croissance du PIB, il est possible de prémunir un portefeuille en mettant l’accent sur les entreprises de croissance premium.