Global Outlook 2023 d’Indosuez Wealth Management
Vincent MANUEL – Chief Investment Officer
« L’idée de démondialisation serait-elle devenue un courant dominant ?
Comme tous les récits un peu trop à la mode, elle court le risque d’être mise à toutes les sauces de manière un peu péremptoire, nous amenant à quitter les rivages de la pensée rationnelle pour rejoindre le terrain des slogans politiques.
Car c’est bien là qu’est née cette idée programmatique : un projet issu des mouvements altermondialistes, prônant un démontage ou une reconstruction d’une globalisation contestée pour ses effets sur les inégalités, l’environnement ou la souveraineté fiscale et monétaire d’un pays.
Cette idée, initialement synonyme de radicalité, est devenue centrale dans le débat économique et politique depuis 2016, et ce phénomène s’est amplifié depuis la pandémie de COVID-19. Le Brexit et la victoire de Donald Trump eurent en commun de traduire une révolte de la classe moyenne contre les élites traditionnelles qui avaient été les autrices et les actrices de cette mondialisation et qui avaient consenti à une désindustrialisation rampante.
Ces bouleversements politiques furent probablement un tournant dans l’acceptation grandissante de cette idée de démondialisation parmi les élites. Et c’est finalement logique : si la globalisation des années 1990 voulue et initiée par les États-Unis n’est plus à l’avantage de ces derniers, cela change la donne. En somme, parler de démondialisation à Washington ou à Davos, c’est poser la question de la perte de leadership américain et de la montée en puissance de la Chine.
Et si les implications sociales de la globalisation viennent à ébranler nos systèmes politiques, et remettre en cause le pouvoir en place, il devient urgent de reposer les termes de son équation. Ce qui était dès lors en jeu, c’était à la fois le maintien d’un modèle industriel dans les pays occidentaux et la survie de la démocratie libérale modérée, qui a reposé d’abord sur l’émergence d’une classe moyenne depuis plus d’un siècle et principalement depuis 1945. La polarisation politique, la perte d’influence des partis traditionnels modérés et leur disruption par des candidats facilement catalogués comme « populistes » conduisent in fine à s’interroger sur les liens entre globalisation, distribution des richesses et modèle politique. »