Dans un nouveau contexte macroéconomique durablement inflationniste, la confiance est néanmoins revenue sur les marchés américains et européens alors qu’elle tarde à revenir en Chine malgré les perspectives de croissance de l’Empire du Milieu. Sur le plan sectoriel, la transition climatique et l’irruption de l’intelligence artificielle (IA) aiguisent l’appétit des investisseurs.
Après une année 2022 marquée par le choc de la guerre en Ukraine et du retour de l’inflation, l’économie mondiale est entrée dans une nouvelle ère marquée par des niveaux de taux inédits depuis plus d’une décennie. « La Fed se dirige vers un taux plateau à 5,25% mais nous ne pensons pas qu’il s’agit d’un pivot. Il est optimiste d’anticiper des baisses de taux de 50 à 75 points de base d’ici la fin de l’année. L’inflation a commencé à ralentir même si le chemin pour passer de 5 à 3% sera compliqué à atteindre. L’économie américaine est en phase de ralentissement mais devrait éviter, selon nous, la récession » pense Alexandre Drabowicz, Chief Investment Officer au sein d’Indosuez Wealth Management. L’inflation entraîne néanmoins un changement des habitudes de consommation aussi bien aux Etats-Unis qu’en Chine. « Aux Etats-Unis, on observe des phénomènes nouveaux comme la ‘shrinkflation’, un procédé consistant à réduire la quantité des produits proposés afin d’absorber la hausse des coûts de production sans augmenter le prix de vente » explique Alex G. Piré, Senior Vice President Amundi USA.
En Chine, pas de risque de récession en 2023 et des perspectives de croissance assez favorables. « La Chine a suscité beaucoup d’attentes de la part des investisseurs, sans doute excessives, en tant que thématique d’investissement mais nous croyons fortement au potentiel de reprise de l’économie chinoise qui devrait croître de 5,6% cette année » estime Bénédicte Kukla, Senior Investment Strategist chez Indosuez Wealth Management. A plus long terme, la Chine devrait toutefois subir un ralentissement de sa croissance lié au vieillissement de sa population.
Volatilité des marchés obligataires, résilience des marchés actions
Sur les marchés, les actions américaines et européennes ont bénéficié d’un retour en grâce depuis le début de l’année alors que les marchés émergents et chinois restent encore délaissés par les investisseurs internationaux. « En 2022, les obligations ont été pénalisées par la remontée des taux et restent marquées par une forte volatilité. Il existe toutefois des opportunités alternatives sur les placements de court terme. De leur côté, la résilience spectaculaire des marchés actions a été confortée par les très bons résultats des entreprises en Europe et aux Etats-Unis » relève Alexandre Drabowicz.
Les investisseurs américains souhaitent-ils pour autant revenir vers la Chine ? « La volonté de réindustrialiser les Etats-Unis (Chips Act, IRA) et de protéger la souveraineté des pays occidentaux limiteront à l’avenir les investissements des entreprises américaines en Chine, notamment dans les secteurs clés à forte croissance » précise Alex G. Piré.
Du point de vue de la Chine, la rivalité sino-américaine encourage les dirigeants chinois à privilégier le marché intérieur ainsi que le développement de secteurs stratégiques. « Ses faiblesses sur le plan technologique par rapport aux Etats-Unis ne devraient pas empêcher le pays de peser dans la compétition mondiale, notamment dans le secteur automobile en dominant les chaînes d’approvisionnement des véhicules électriques. Certes, sur le plan environnemental, la Chine représente 30% des émissions carbones mondiales mais le pays vise tout de même la neutralité carbone à horizon 2060 avec un pic des émissions en 2030. Cela représente un gisement d’opportunités d’investissements dans les cleantechs et environ 40 à 50 millions de nouveaux emplois à créer » remarque Qian Su, Head of Asset Management au sein d’Indosuez Wealth Management en Asie.
L’IRA au service de la transition énergétique
Aux Etats-Unis, la transition énergétique sera sans doute plus lente qu’ailleurs mais la question climatique suscite de vifs débats. « Les pressions politiques des défenseurs de l’industrie fossile restent fortes même si les grands producteurs d’hydrocarbures investissent aussi dans la transition énergétique. Aux Etats-Unis, 41% du mix énergétique provient déjà de sources à faible teneur en carbone, dont 23% d’énergies renouvelables et l’IRA (Inflation Reduction Act) encourage cette transition de l’économie américaine pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre » souligne Alex G. Piré.
En attendant, la thématique ESG (Environnement, Social, Gouvernance) a été fortement pénalisée par les hausses de taux depuis l’an dernier alors que le rebond a surtout profité aux valeurs technologiques. « Pour les investisseurs, les enjeux de la transition énergétique restent globaux. Parmi les thématiques d’investissement identifiés par la Commission européenne pour atteindre la neutralité carbone à horizon 2050 se trouve l’hydrogène mais le cœur de la transition doit incontestablement passer par le développement des énergies renouvelables » assure Fabrice De Sousa, Head of Sustainable Finance Strategy au sein d’Indosuez Wealth Management.
L’IA ne convainc pas les gérants ESG pour le moment
Autre thématique d’investissement devenue incontournable au cours des derniers mois, l’intelligence artificielle (IA) s’immisce peu à peu dans toutes les strates de l’économie grâce aux progrès de l’industrie des semi-conducteurs. « Les entreprises dédiées uniquement à l’IA sont encore peu nombreuses. Une autre solution pour les investisseurs consiste davantage à s’intéresser aux grandes entreprises technologiques qui disposent d’un département consacré à l’IA » selon Laurent Bakhtiari, Investment Advisor chez Indosuez Wealth Management.
L’IA suscite la frénésie, mais n’apparaît pas à ce jour comme une thématique d’investissement ESG-compatible. « Que ce soit sur le plan de l’environnement avec l’utilisation massive d’électricité pour faire fonctionner les datacenters, sur le plan social avec les suppressions d’emplois en perspective, et sur le plan de la gouvernance avec l’exploitation des données, la réponse est non pour le moment même si une utilisation à bon escient de l’IA ouvre des perspectives d’amélioration des processus industriels » conclut Fabrice De Sousa.