Entretien avec Guillaume de Corbiac
ACTION FUTURE 36 – Univers de la Gestion professionnelle
Guillaume de Corbiac est diplômé de l’ESSEC. Après deux ans d’expérience professionnelle à Paris et Singapour, est aujourd’hui responsable de la sélection des titres d’AXA WF Framlington Emerging Markets Talents, fonds qu’il a suivi depuis sa création en 2005. Fort de son expérience de terrain, il a voyagé en Europe du Sud et dans de nombreux pays émergents à la rencontre d’entrepreneurs, notamment en Amérique Latine pendant huit mois, nous l’avons interrogé sur l’intérêt d’investir sur les valeurs qu’il connaît bien, celles des moyennes capitalisations des pays émergents.
P F : Pourquoi s’intéresser aujourd’hui aux valeurs moyennes des pays émergents ?
Guillaume de Corbiac : Je pense qu’il faut s’y intéresser aujourd’hui, il fallait s’y intéresser hier, et il le faudra encore demain. C’est à Singapour où j’ai travaillé en 2002 que j’ai personnellement pris conscience de l’influence sur l’économie mondiale de nombreuses sociétés moyennes inconnues en Europe. La dynamique de croissance des pays dits « émergents », où tant est à faire dans de nombreux secteurs, crée de très nombreuses opportunités pour les investisseurs qui ont une connaissance fine de ces marchés et qui acceptent d’y investir tôt dans le temps. Dans cette logique, il est intéressant de revenir à la notion même de « développement », qui comme l’explique si bien le prix Nobel d’économie indien Amartya Sen dans son ouvrage de 1999 Development as freedom, se caractérise avant tout par la capacité des individus à exercer leur liberté et à se projeter dans l’avenir. La liberté d’entreprendre et l’entrepreneur sont au cœur du mécanisme de développement et les pays émergents sont des viviers d’entrepreneurs talentueux dont les sociétés sont encore de taille petite ou moyenne. Il est passionnant de les détecter et de les suivre avant qu’elles ne soient connues de tous.
P F : Mais ce cadre favorable à la création d’entreprise est-il effectif dans toutes les économies même émergentes?
G d C : Oui, cette réalité est en tous cas celle de la plupart des pays émergents, même de la Chine depuis son ouverture à l’économie de marché il y a vingt ans.
Cela apparaît clairement aujourd’hui lorsque l’on voit le soutien financier apporté par le gouvernement chinois au constructeur automobile Geely, constructeur automobile de taille moyenne, lors de son rachat de Volvo. Dans ce cas précis, l’entrepreneur-fondateur devient le porte-drapeau d’une stratégie industrielle nationale offensive. Plus récemment encore, la montée au capital du Club Méditerranée de la holding chinoise Fosun, fondée par Guo Guangchang 43 ans, confirme que les entrepreneurs chinois investissent désormais de manière décomplexée tant dans l’industrie que dans les services des pays développés. Dans Le fardeau de l’Homme Blanc (2006), les travaux de William Easterly, ancien économiste à la Banque Mondiale, tendent à montrer que l’aide au développement imaginée sur un mode planificateur échoue le plus souvent, par opposition aux plus grandes chances de succès de la recherche de solutions fondée sur une analyse locale des problèmes. À la différence des « planificateurs », les « chercheurs » avancent en effet pas à pas et testent leurs solutions avant de les mettre en œuvre. Or les entrepreneurs appartiennent par nature à la catégorie des « chercheurs »;