Entretien avec Nicolas Fragneau
ACTION FUTURE 32 – L’univers de la Gestion professionnelle
Nicolas Fragneau est le gérant du fond CAAM Funds Global Agriculture, un fonds du Crédit Agricole Asset Management, spécialisé dans les valeurs liées au secteur agricole. Sa particularité est d’investir directement dans les sociétés du secteur, plutôt que d’investir directement dans les matières premières. Nous l’avons interrogé pour connaître comment était structurée la filière agricole et faire un point sur le potentiel d’appréciation des matières premières dans les années à venir.
En Europe, le secteur agricole suscite peu d’intérêt en termes d’investissement et les matières premières ne sont pas encore considérées comme un actif à part entière. Comment expliquez-vous cela ?
Nicolas Fragneau : L’approche européenne est très différente de celle des USA. Ici le secteur agricole a été subventionné depuis longtemps; il n’y a jamais eu « d’approche marché » comme aux USA. Le fait que l’essentiel du secteur agricole soit subventionné en Europe implique que la lisibilité du secteur en termes de retour sur investissement soit complètement faussée. On peut donc avoir, d’une année sur l’autre, des situations très différentes et très difficiles à anticiper. De plus, il est très compliqué d’investir dans ce secteur, sauf en étant agriculteur ou partie prenante de la chaîne de distribution.
En quoi l’investissement direct dans des sociétés de la filière agricole differe-t-il d’un investissement dans un indice de matières premières ?
Par rapport aux matières premières agricoles physiques, il y a une diversité plus importante. Concernant les matières premières agricoles physiques il existe quatre gros contrats : le blé, le maïs, le soja et le sucre. Ils représentent 70% des investissements. Cela exclu des productions pourtant très importantes comme les fruits et légumes. De même il n’existe pas de contrat à terme sur le lait. Je peux également vous donner l’exemple du riz. Il existe bien un marché de futures, mais il est très étroit. Or cette matière première touche prés de deux milliards de consommateurs.
Malgré tout la corrélation entre la performance d’un indice comme le CRB ou le RIO et celle de votre fonds doit être importante ?
En effet, mais avec des différences notables. Il existe, par exemple, une bien moindre cyclicité par rapport à l’univers des matières premières. La consommation finale alimentaire, même si elle est influencée par le facteur économique, est moins influencée qu’une demande d’acier pour la construction ou le cuivre pour l’industrie électrique par exemple. On a une variation de la demande nettement moins corrélée au cycle économique.