Par Marc Riez, Directeur Général VEGA Investment Managers
Très légitimement, les investisseurs comme les clients privés s’interrogent sur les conséquences considérables des dépenses budgétaires engagées depuis un mois par les Etats pour lutter contre les impacts du confinement sur leurs économies.
Cette inquiétude est d’autant plus vive que certains pays comme l’Italie ou l’Espagne, le Portugal ou la Grèce, voire même la France ou la Belgique, étaient déjà très endettés avant la crise du coronavirus.
A partir des travaux approfondis menés par la Toulouse Business School, qui ont fait l’objet d’un article très intéressant du Prix Nobel d’Economie, Jean Tirolle, quelles sont les solutions à ce problème de financement des déficits publics.
Sans revenir sur le ciblage de ces dépenses ou leur ampleur, quatre solutions apparaissent ainsi pour traiter ce stock de dettes :
Première solution : la restructuration de la dette, à l’instar de ce qui a été fait pour la Grèce en 2012
Cette solution, très mauvaise pour les investisseurs qui perdraient une partie de leur capital, est impensable pour les Etats car, ne pouvant plus d’emprunter par la suite sur les marchés, seraient obligés d’équilibrer leur budget, ce qui les empêcherait de financer la relance et l’investissement nécessaires.
Deuxième solution : l’impôt
Les Etats pourraient accroître les taxes sur les citoyens les plus fortunés, voire même, comme l’a envisagé le FMI, ponctionner les avoirs bancaires. Nous ne croyons pas à cette solution qui risquerait de provoquer des retraits massifs des comptes bancaires et une grave crise de confiance. Le seul précédent significatif de ce type de mesure a été pris à Chypre, où la Banque Centrale a accepté des ponctions de 47,5% des comptes de plus de 100.000 euros à la Bank of Cyprus, premier établissement de l’île. Mais les détenteurs étaient essentiellement des non-résidents russes au travers de structures opaques.
Troisième solution : la solidarité européenne
L’Union Européenne pourrait financer les Etats membres par une émission de « Coronabonds » qui permettrait aux pays les moins solvables de se financer dans de bonnes conditions, ou de faire un usage massif du Mécanisme Européen de Solidarité (MES), doté de 700 milliards d’euros. Si les pays riches de la zone euro ont jusqu’alors refusé toute émission de dette commune, le MES a d’ores et déjà mobilisé 240 milliards d’euros pour venir en aide aux pays qui le nécessitent ce qui, outre les prêts octroyés par la Banque Européenne d’Investissement et diverses mesures, a permis de dégager plus de 500 milliards d’euros au titre de la solidarité européenne. Toutefois, nous comprenons que cette source de financement est par nature limitée et, dans le cas présent, insuffisante pour couvrir les besoins des Etats européens. Les Etats-Unis ont d’ailleurs déployé un arsenal de mesures de soutien inédit de plus de 3500 milliards de dollars.
Quatrième solution : la monétisation de la dette
C’est cette solution qui nous paraît la plus probable et la plus souhaitable pour les marchés.
Elle passe par des achats massifs d’emprunts d’Etats par la Banque Centrale Européenne (BCE), dans le cadre des programmes de « Quantitative Easing » déjà annoncés ou à venir. D’ici la fin de l’année, ce sont ainsi 1110 milliards d’euros, à minima, que la BCE a prévu d’acheter, sachant que ce montant sera illimité si nécessaire. Le point important est que, contrairement aux plans précédents de ce type, la BCE peut acheter tout type de dettes. Ainsi, depuis deux semaines, la dette italienne représente plus du tiers de son programme temporaire d’achats d’urgence face à la pandémie (PEPP) de 750 milliards d’euros, soit beaucoup plus que le poids relatif de l’économie italienne dans la zone, auquel elle était limitée autrefois.
Ces achats équivalent bien évidemment à de la création monétaire ce qui, à terme, pourrait alimenter l’inflation ou une perte de valeur de l’euro. Mais comme la reprise devrait être longue et que toutes les grandes monnaies sont logées à la même enseigne, les risques attachés à cette solution nous semblent aujourd’hui un moindre mal.