Commentaires de marché du BlackRock Investment Institute (BII)
La réponse monétaire s’organise face à l’épidémie de coronavirus
• Les banques centrales ont commencé à réduire leurs taux d’intérêt pour parer au choc causé par l’épidémie, et les
gouvernements se tiennent prêts à agir. De nouvelles mesures vont certainement être prises.
• Nous avons récemment abaissé notre position vis-à-vis du risque à « neutre », en raison des nombreuses incertitudes
liées au coronavirus et à ses répercussions.
• Les chiffres à paraître cette semaine sur les prêts octroyés en Chine et la confiance des consommateurs américains
donneront une idée des conséquences de l’épidémie sur les principales économies mondiales.
L’épidémie de coronavirus perturbe toujours les marchés, malgré la mise en œuvre de mesures monétaires significatives.
Les inconnues liées à l’épidémie poussent les responsables de la santé publique à agir de manière radicale afin d’atténuer le bilan humain. Ces mesures, bien que temporaires par nature, ralentissent l’activité économique, et ce de façon parfois brutale. Par là même, elles devraient créer les conditions d’un fort rebond post-coronavirus ; toutefois, une réponse déterminée demeure essentielle pour préserver les fondamentaux.
Pour faire face au choc provoqué par l’épidémie, cette réponse peut viser trois objectifs :
empêcher un resserrement durable des conditions financières ;
contribuer à éviter un tarissement des liquidités qui pourrait forcer des entreprises par ailleurs saines à suspendre leur activité ;
et soutenir les personnes dont le revenu se retrouve diminué du fait des perturbations.
Pour atteindre ces cibles, nous estimons que cette réponse doit être décisive et préventive. La marge d’action des outils monétaires traditionnels, tels que les baisses de taux d’intérêt, est aujourd’hui limitée, les taux étant proches de leurs plus bas niveaux historiques. Le simple fait d’actionner ce levier, surtout si cela était fait sans coordination avec la politique budgétaire, pourrait faire entendre en peu de temps que les décideurs sont à court de munitions et se retourner contre eux.
La Réserve fédérale américaine (Fed) a abaissé ses taux d’intérêt la semaine dernière, et ce sans réunion de politique monétaire
préalable, une première depuis la crise financière de 2008. Cette réduction n’a pas permis de stabiliser les marchés, qui anticipent
maintenant une baisse encore plus marquée des taux directeurs de la Fed, comme le montre le graphique.
La seule façon de parer à la perte d’efficacité actuelle des instruments monétaires est de créer de nouvelles lignes de défense,
telles que l’intégration explicite de la politique budgétaire au dispositif d’urgence – un choix d’ailleurs en cohérence avec notre
point de vue selon lequel une coordination monétaire et budgétaire est essentielle pour parvenir à faire face au prochain
ralentissement économique. Les premiers éléments d’une riposte au choc causé par l’épidémie sont en train de se mettre en place.
Nous demeurons attentifs à ces décisions de politique budgétaire. Les ministres des finances européens semblent prêts à prendre
des mesures fiscales, et les dirigeants américains pourraient renforcer leurs actions dans ce domaine si les événements le
justifiaient – au-delà des 8,3 Md USD de dépenses d’urgence approuvés la semaine dernière -, et ce même durant une année
électorale et malgré un gouvernement divisé.
Nous nous attendons à ce que les réponses politiques qu’apporteront les diverses économies soient modérément coordonnées –
mais différenciées- en raison de la variété de leurs caractéristiques ainsi que de leurs contraintes politiques et stratégiques. Les
sources de financement principales de ces économies, et leur incidence en termes d’action politique, en constituent un bon
exemple. L’économie américaine est ainsi relativement dépendante du financement provenant des marchés de capitaux. Dans les
économies qui dépendent davantage des prêts bancaires, les responsables monétaires disposent d’options supplémentaires pour
maintenir le flux de crédit, telles que des opérations de liquidité ciblées associées à un allègement de la réglementation. La Banque
du Japon (BoJ) et la Banque Centrale Européenne (BCE) ont certes une marge de manœuvre réduite pour abaisser leurs taux, mais
elles peuvent aussi soutenir le secteur privé en achetant des actions et de la dette d’entreprise – un outil dont la Fed ne dispose pas.
Cette dernière pourrait quant à elle réduire à nouveau son taux directeur plus tard dans le mois, mais, à ce stade, nous ne
prévoyons pas que son bilan connaîtra de nouvelle expansion. La BCE devrait annoncer des mesures monétaires cette semaine, en
mettant probablement davantage l’accent que la Fed sur des actions ciblées d’assouplissement du crédit.
Si nous sommes convaincus que les réponses de type monétaire sont utiles, elles se révèleront cependant inopérantes si elles ne
sont pas complétées par des mesures budgétaires et de liquidité ciblées. Le choc du coronavirus est similaire à ceux causés p ar les
catastrophes naturelles, en ce sens que l’effet sur l’activité économique est en général passager. Un rebond économique
significatif devrait survenir une fois les perturbations potentielles dissipées, et l’expansion économique mondiale ne devrait pas
s’en trouver affectée, même si son rythme pourrait être altéré. Cependant, l’intensité et la durée de cette crise demeurent
inconnues, ce qui accroît les risques de façon significative, et les marchés auront besoin de plus de clarté sur l’épidémie e lle-même,
comme sur la réponse politique globale qui y sera apportée, avant de parvenir à se stabiliser. Selon nous, les investisseurs ne
doivent pas se désinvestir ; ils doivent en revanche maintenir leur niveau de risque proche des pondérations de référence. Nous
avons récemment mis à jour nos opinions relatives aux facteurs actions – en soulignant les capacités de résilience des facteurs
qualité et minimale – et poursuivons le réexamen de nos avis détaillés par région sur les actions et les obligations.
Environnement de marché
Les actions mondiales ont chuté en raison de la propagation du coronavirus à l’échelle mondiale et de la chute des prix du pé trole
qui ont suivi l’annonce d’une hausse de la production de la part de l’Arabie Saoudite. Les inquiétudes entourant l’impact
économique de l’épidémie se sont accentuées malgré la réduction de taux opérée par la Fed la semaine passée. Le rendement des
obligations souveraines américaines à échéance 10 ans a atteint un niveau record sous les 0,5%. Considérées comme des actifs
refuges, celles-ci ont attiré les investisseurs cherchant à se couvrir.
Actualité macroéconomique
Les conditions financières se sont resserrées à l’échelle mondiale, malgré une diminution prononcée des rendements des emprunts d’État. Cette baisse a été la plus marquée aux États-Unis, où les conditions financières sont les plus affectées par les marchés financiers. Face à cette évolution, la Fed a surpris les marchés en abaissant ses taux de 0,5 %. D’autres grandes banques centrales – telles que la Banque d’Angleterre (BoE) et la BCE – ont annoncé qu’elles se tenaient également prêtes à agir le cas échéant. Mais la marge de manœuvre de réduction des taux est aujourd’hui limitée dans des économies telles que celles du Japon et de la zone euro, et les baisses de taux ne représentent par ailleurs qu’une des nombreuses mesures monétaires possibles. Les banques centrales pourraient recourir à un éventail de mesures plus large : des achats d’actifs notamment, ou d’autres actions leur permettant
de fournir de la liquidité aux marchés financiers et aux petites et moyennes entreprises, ou encore l’utilisation de leurs lignes de swap afin de garantir la disponibilité de financements en USD. La politique budgétaire constituera probablement aussi une part importante de la réponse que les États apporteront, en particulier en termes de dépenses de santé publique et de compensation de revenu octroyée aux personnes se retrouvant temporairement sans emploi.
Thèmes d’investissement
1 – Dégradation de la croissance
• L’épidémie de coronavirus ainsi que les mesures de confinement vont perturber à court terme l’activité
économique mondiale. Le Japon et la Zone Euro pourraient ainsi se retrouver au bord d’une récession
technique.
• Nous prévoyons une reprise de l’activité une fois les perturbations surmontées, mais l’intensité comme la
durée de ce choc restent très incertains, ce qui pourrait nuire à la consommation et à l’investissement.
• Le risque principal qui remettrait en cause notre scénario serait que la propagation de l’épidémie entraîne
une fin prématurée du cycle.
• Pour l’instant, les conséquences macroéconomiques, que ce soit en Chine ou ailleurs, découlent
principalement des mesures d’endiguement de grande ampleur qui ont été prises.
• Notre recherche macroéconomique indique que le cycle économique américain est entré en phase de
ralentissement, mais les perturbations affectant les chaînes d’approvisionnement pourraient le faire évoluer
vers un régime mêlant croissance en baisse et inflation en hausse, qui serait défavorable au marché.
• Conséquences pour les marchés : nous abaissons notre position modérément pro-risque et optons pour
une position neutre envers les actions et la dette.
2 – Reprise de l’interventionnisme monétaire
• Les principales banques centrales devraient abaisser leurs taux à l’instar de la Fed, qui en a pris la décision
entre deux réunions de politique monétaire. Si un resserrement durable des conditions financières devait
intervenir, il serait probablement compensé par un nouvel assouplissement monétaire. La BCE et la BoJ ont
certes une marge de manœuvre limitée pour réduire leurs taux, mais elles peuvent effectuer des
interventions ciblées en vue de garantir le flux de crédit.
• La Chine a assoupli sa politique monétaire comme première réponse aux répercussions économiques du
coronavirus, et a également engagé d’autres actions afin d’aider ses entreprises à passer le cap.
• Des mesures budgétaires devraient également être prises, puisque les États devront accroître leurs
dépenses de santé publique et venir en aide aux secteurs économiques et aux régions les plus touchés,
ainsi qu’aux personnes tombées malades ou contraintes de travailler moins.
• Les États-Unis comme la Chine ont chacun de bonnes raisons de laisser en suspens le conflit commercial
qui les oppose ; ceci étant, de nouvelles tensions commerciales pourraient se manifester dans le monde,
notamment si les États-Unis décidaient de tourner maintenant leurs attaques protectionnistes contre
l’Europe.
• Conséquences pour les marchés : les sources de revenu sont essentielles dans un monde où la croissance
est faible et les taux bas. Nous privilégions la dette émergente et les obligations High Yield.
3 – Réévaluation de la résilience des portefeuilles
• La préférence que nous marquons envers les bons du Trésor américain et les titres du Trésor protégés contre
l’inflation a démontré son utilité en termes de résilience des portefeuilles lors du récent épisode de volatilité des
marchés actions consécutif à l’épidémie de coronavirus. À l’inverse, ces fluctuations ont aussi confirmé que
certains emprunts d’État des économies développées, tels que le Bund allemand, offrent une protection réduite en raison de rendements proches de ce que nous estimons être leur limite inférieure.
• La diminution ou la disparition de la corrélation négative entre les performances des actions et des obligations
pourrait également compromettre le rôle protecteur des emprunts d’État au sein des portefeuilles.
• Mettre l’accent sur le développement durable peut être un moyen de renforcer la résilience des portefeuilles. Noussommes convaincus que la pratique de l’investissement durable, qui est un phénomène nouveau, octroiera un avantage en termes de performance à moyen et long terme.
• La rivalité technologique entre les États-Unis et la Chine continue d’être une source de tensions majeures. Nous
craignons que les marchés ne sous-estiment les cyber-risques alors que l’élection américaine approche (cf. notre
Tableau de bord des risques géopolitiques).
• Conséquences pour les marchés : nous privilégions les bons du Trésor américain au sein des portefeuilles, qui
offrent une meilleure protection que leurs homologues à rendement plus faible, et recommandons vivement de
prendre en compte la durabilité au sein des processus d’investissement.