Par Patrice GAUTRY, Chef économiste de l’Union Bancaire Privée
Le Royaume-Uni quittera l’Union européenne (UE) le 29 mars 2019, mais tout reste encore à prévoir, à négocier et à adopter des deux côtés de la Manche. Le cas est inédit, et les scénarios possibles sont suffisamment tranchés pour agiter les marchés financiers.
La sortie du Royaume-Uni de l’UE est un processus complexe, assorti de nombreux risques. Si la date de départ du pays a été fixée de façon irrévocable au 29 mars prochain, les modalités de sortie et les futures relations avec les partenaires commerciaux sont encore très floues, laissant la porte ouverte à divers scénarios.
Les négociations avec l’UE doivent d’abord déboucher sur un accord de sortie et, après la période de transition d’un an, telle que prévue, des accords commerciaux devront être signés pour redéfinir les relations entre l’UE et le Royaume-Uni, mais aussi entre le pays et l’ensemble de ses partenaires. Cependant, la signature de l’accord de sortie a été repoussée plusieurs fois car la question de la frontière avec l’Irlande du Nord bloque, tant au niveau européen que domestique.
La problématique essentielle pour l’économie britannique est de savoir si elle sera capable de conserver un accès au marché unique européen après la période de transition. La forme juridique de cet accès importe finalement moins que l’impact économique lié à la circulation des marchandises, des capitaux et des personnes.
Dans le cas où cet accès n’existerait plus, les dommages sur l’activité britannique seraient importants, avec une perte de croissance de 5% en moyenne, mais des scénarios encore plus noirs sont à envisager (-8%/-10%) si les autres partenaires commerciaux, comme les Etats-Unis, tardent à signer de nouveaux accords. L’industrie, la finance, les services mais également l’agriculture du pays seraient largement affectés. Il en résulterait une récession, un assouplissement monétaire et une nouvelle dévaluation de la livre, avec le risque que la zone euro perde aussi jusqu’à 0,5 point de pourcentage de croissance. Les actifs britanniques seraient dès lors sous pression, sauf ceux qui bénéficient de la baisse de la devise.
Si les marchandises continuent de circuler, les perspectives pour le Royaume-Uni apparaissent plus constructives. Après une période de croissance molle, une reprise pourrait se dessiner avec la recomposition des échanges et un rebond des secteurs déjà impactés à la suite du référendum de juin 2016. Depuis cette date, l’économie britannique accuse en effet un retard de croissance de près de 2% par rapport aux autres pays développés. A moyen terme, la croissance du Royaume-Uni renouerait avec un rythme de 2%, porté par le retour de la confiance. Ceci profiterait aux actifs et à la livre, mais la banque centrale pourrait se retrouver à devoir gérer de potentiels risques de surchauffe l’obligeant à relever fortement ses taux directeurs, ce qui entraînerait des pressions sur les rendements obligataires.