Alors que les gros titres sur une société immobilière chinoise en difficulté ont soulevé des questions sur le potentiel d’une contagion plus large, nous pensons que la situation sera probablement contenue par les responsables politiques chinois. Les gestionnaires de portefeuille Warren Hyland et Christina Bastin en parlent.
Que se passe-t-il en Chine ?
Les récentes inquiétudes concernant l’endettement du promoteur immobilier chinois Evergrande ont suscité des craintes de contagion au secteur immobilier au sens large, ainsi qu’aux assureurs et aux banques exposés à Evergrande.
Evergrande est fortement endetté. Ses problèmes de liquidité sont sous les feux de la rampe depuis un certain temps en raison d’un ralentissement des ventes et d’une réglementation accrue visant à réduire la dette et à contrôler les prix dans le secteur immobilier[1].
En août 2020, le gouvernement chinois a imposé la directive des trois lignes rouges – trois mesures de la dette (liquidités/dette à court terme, dette/capitaux propres et dette/actif) que les promoteurs doivent respecter pour augmenter les emprunts. Si un promoteur ne parvient pas à respecter une, deux ou toutes les “trois lignes rouges”, le gouvernement chinois limite ses emprunts.
Chaque promoteur doit améliorer ces paramètres au cours des deux prochaines années. Evergrande a jusqu’à présent échoué sur les trois paramètres[2]. Des réglementations ont également été mises en place pour limiter les quotas bancaires sur les prêts hypothécaires et les prêts aux promoteurs[3].
Comment le marché a-t-il réagi ?
Evergrande se négocie déjà à des niveaux de « distressed », comme s’il avait déjà fait défaut[4]. Nous constatons également une bifurcation dans l’évolution des prix des promoteurs immobiliers chinois en fonction de leur notation, les promoteurs immobiliers notés B ayant été davantage vendus que les émissions notées BB et BBB[5].
Le reste du marché chinois high yield semble stable, et nous ne prévoyons pas de débordement sur d’autres industriels chinois high yield, à moins que la situation ne se prolonge. Jusqu’à présent, le secteur bancaire semble stable ; même la banque la plus exposée à Evergrande est bien capitalisée et nous pensons qu’elle pourra résister à la crise. Le marché investment grade des marchés émergents a également relativement bien résisté, ce qui pourrait être le signe que la contamination est contenue en Asie.
Quelle est la probabilité d’une contagion plus importante ?
Nous pensons que le renforcement de l’environnement réglementaire vise à encourager la stabilité financière, et non à provoquer un effondrement systémique. Si les responsables politiques sont prêts à laisser Evergrande se retrouver en défaut, nous pensons qu’ils devraient également se tenir prêts à calmer le marché pour éviter un effondrement total de la confiance.
Selon nous, l’exposition des banques à Evergrande est gérable et les responsables politiques peuvent y faire face. Certaines banques très exposées disposent encore de niveaux de réserves confortables et, même si leurs bénéfices peuvent être impactés, il est peu probable que cela se traduise par un risque en capital.
Néanmoins, nous nous attendons à ce que certains petits promoteurs immobiliers chinois qui utilisent l’endettement puissent potentiellement faire défaut, car la situation liée à Evergrande a entraîné la fermeture du marché du refinancement offshore.
En temps normaux, les promoteurs immobiliers se désendettent naturellement si les liquidités issues des ventes d’actifs sont utilisées pour rembourser leurs dettes. Les liquidités excédentaires sont généralement utilisées pour acheter des terrains, ce qui correspond au fonctionnement habituel (afin de reconstituer le portefeuille foncier). Cependant, nous nous attendons à ce que tous les promoteurs chinois continuent à utiliser leurs liquidités excédentaires pour rembourser la dette tout en évitant des achats de terrains pour le moment. Nous pensons que l’ensemble du secteur va continuer à se désendetter au cours du second semestre.
Selon nous, le secteur immobilier est une pierre angulaire importante pour l’économie chinoise. Sa contribution à l’économie représente 14 % du PIB de la Chine et même 25 % si on élargit aux secteurs indirectement liés[6]. Une perte de confiance prolongée dans le secteur pourrait entraîner un effondrement des achats de terrains, qui représentent une source importante de revenus pour les collectivités locales, mais également un déclin de la richesse des consommateurs chinois.
Les responsables politiques souhaitent une stabilité des prix dans le secteur, et non un effondrement de la confiance et un ralentissement du marché immobilier. Par conséquent, nous attendons une réponse positive des responsables politiques afin de calmer la situation.
Qu’est-ce qui va continuer à affaiblir le marché ?
Selon nous, de nouveaux défauts, même si ils sont le fait de petites sociétés immobilières chinoises, pourraient avoir un impact. Les chiffres des ventes de septembre à l’échelle nationale pourraient également nuire au marché, bien qu’une baisse importante soit susceptible de précipiter une réponse politique positive, comme cela a été le cas par le passé. La mauvaise communication concernant Evergrande, pourrait conduire à une augmentation des troubles sociaux, ce qui constituerait un autre catalyseur potentiel, bien qu’une fois encore, un trop grand trouble soit également susceptible de précipiter une réponse politique.
Qu’est-ce qui va calmer les marchés financiers mondiaux ?
Nous pensons qu’un certain nombre d’éléments pourraient calmer les marchés financiers mondiaux, notamment la poursuite des paiements de coupons, les ventes d’actifs et les injections de capitaux d’autres sociétés immobilières. Nous avons déjà eu des informations positives de Guangzhou R&F, un important promoteur immobilier, qui a annoncé l’obtention d’un financement à court terme de 1 milliard de dollars US[7].
D’autres nouvelles positives, telles que la liquidation ordonnée d’Evergrande, pourraient également aider ; même s’il y a un défaut au niveau des obligations, la poursuite des projets existants de la société est essentielle.
En outre, une réponse politique du gouvernement, qu’il s’agisse de permettre aux banques de débourser des prêts hypothécaires, d’une réduction des taux d’intérêt ou d’autres mesures de soutien à court terme, pourrait aider.
Comment positionnons-nous nos portefeuilles ?
Au sein de nos portefeuilles de crédit multi-actifs, nous avons maintenu une surpondération du high yield, mais en privilégiant les crédits de qualité à duration courte.
Bien que ce positionnement puisse potentiellement avoir un effet sur le portefeuille à court terme, en raison de la volatilité accrue du marché, nous maintenons nos perspectives constructives sur la classe d’actifs qui bénéficie de la croissance économique mondiale, d’un cycle bénéficiaire positif et de taux d’intérêt bas.