Par CPR AM
Le commerce mondial encore en phase de contraction
Le commerce mondial a continué à
se contracter (-1,1% en glissement
annuel en septembre), en bonne
part à cause de la guerre
commerciale.
La production industrielle au
niveau mondial est sur ses rythmes
de progression les plus faibles
depuis la récession de 2008/2009.
Toutes les grandes zones sont en
phase de ralentissement.
La hausse des droits de douane sur
les importations américaines de
produits chinois qui avaient été
épargnées jusque-là est toujours
prévue pour le 15 décembre.
La croissance américaine converge vers son potentiel
La croissance a été de 2,1% au 3ème
trimestre et la consommation des
ménages est désormais le seul
moteur. L’investissement des
entreprises s’est contracté pour le
2ème trimestre de suite tandis que
l’investissement résidentiel a cru
pour la 1ère fois depuis 2 ans.
Les indicateurs ISM se retrouvent
sur leurs plus bas niveaux de la
décennie, sans s’effondrer
toutefois.
La consommation ralentit
légèrement sur les derniers mois.
Les enquêtes de confiance, qu’elles
soient réalisées auprès des
ménages ou des entreprises, se
sont nettement dégradées sur les 6
derniers mois.
La Fed est revenue vers une politique d’expansion de bilan très agressive
La Fed a baissé 3 fois de suite ses
taux directeurs (à 1,50/1,75%), en
présentant celles-ci comme des
baisses de taux d’assurance. Cela
dit, Jerome Powell a récemment
indiqué que les baisses de taux se
justifiaient aussi par des raisons
structurelles (taux de participation
trop bas, extension du cycle qui
bénéficie aux communautés les
plus défavorisées), et pas que par
des raisons conjoncturelles.
La Fed est revenue à une politique
d’expansion de bilan à cause de
tensions sur les marchés
interbancaires (raréfaction des
réserves des banques). Si la Fed
présente ces opérations comme
« techniques », elles impliquent des
achats de titres du Trésor de très
grande ampleur. La Fed achète en
net aux alentours de 75 Mds $ de
titres du Trésor par mois, soit plus
que lors du QE1 et du QE3 …..
0.00
Les profits des entreprises ralentissent, malgré la baisse des impôts
Les profits avant impôts calculés
en % du PIB sont sur une tendance
nettement baissière, ce qui est
caractéristique des fins de cycle.
En revanche, les profits après
impôts sont restés relativement
stables ces deux dernières années,
grâce à la réforme fiscale de 2018
et à l’effondrement des impôts sur
les sociétés.
L’accroissement de l’endettement des entreprises et la situation de certaines PME est un élément de fragilité de cette fin de cycle
Le marché obligataire corporate a
plus que doublé aux États-Unis depuis
la fin 2009 et la dette des entreprises
non-financières a atteint 47 % du PIB,
un niveau qui n’avait jamais été atteint
auparavant aux États-Unis. La taille du
marché des leveraged loans a
également très fortement augmenté
ces dernières années et est
aujourd’hui à peu près équivalente à
celle du marché des obligations high
yield, un peu au-dessus de 1000 Mds
$.
Par ailleurs, la très forte
augmentation de la dette des
entreprises s’est accompagnée d’une
dégradation progressive de la qualité
des différents segments :
• La part des obligations notées BBB
dans le segment investment grade
est passée d’environ un tiers il y a
10 ans à environ la moitié
aujourd’hui, sous l’effet de l’arrivée
de nouveaux émetteurs, de la
dégradation d’une partie des
anciens émetteurs et de nouvelles
émissions d’émetteurs déjà notés
BBB.
• Le levier d’endettement des
entreprises (mesuré par le ratio
dette sur EBITDA) empruntant via
des leveraged loans a fortement
augmenté ces dernières années.
Les élections de 2020, nouveau thème de marché
Joe Biden est toujours en tête des
sondages au niveau national. Cela
dit, les sondages Etat par Etat
laissent apparaître une primaire
assez ouverte.
Buttigieg mène dans l’Iowa et le
New Hampshire, Biden mène dans
le Nevada et en Caroline du Sud.
Biden et Warren au coude à coude
en Californie. Texas ???
Elizabeth Warren et Bernie Sanders
ont un programme très à gauche,
qui pourrait déplaire aux marchés.
La date clé des primaires sera le 3
mars (supertuesday), lors duquel
de nombreux États votent, dont la
Californie et le Texas.
Joe Biden
Remonter (un peu) le taux d’impôt sur les sociétés
Etendre la couverture d’Obamacare
Pas plus d’exploitation pétrolière aux États-Unis
Green New Deal
Elizabeth Warren
Impôt sur la fortune
Fort encadrement des rachats d’actions
Medicare for all
Annulation de la dette étudiante
Démantèlement des géants de la tech (Facebook, Google,
Amazon)
Arrêt de l’exploitation du pétrole de schiste
Green New Deal
Bernie Sanders
Impôt sur la fortune
Fort encadrement des rachats d’actions
Medicare for all
Ecole gratuite
En faveur d’enquêtes sur les géants de la tech (Facebook,
Google, Amazon)
Arrêt de l’exploitation du pétrole de schiste
Green New Dea
La demande interne est restée dynamique en zone euro
Alors que les différentes enquêtes
avaient nettement baissé depuis
quelques mois, la croissance du PIB
a été confirmée à +0,2% sur le 3ème
trimestre, comme au précédent,
soit une hausse sur un an de 1,2%.
L’Italie et l’Allemagne ont échappé à
la récession technique grâce à la
consommation.
Le commerce extérieur pèse un peu
moins sur la croissance au 3ème
trimestre notamment en
Allemagne. La balance commerciale
de la zone euro s’est améliorée visà-
vis du Royaume-Uni et des États-
Unis.
L’activité dans l’industrie semble avoir franchi son point bas
Les enquêtes PMI manufacturiers
montrent une stabilisation, voire
une légère amélioration de la
situation pour l’Allemagne, bien que
les indices demeurent sur des
niveaux bas. Les enquêtes IFO et de
la Commission européenne sont un
peu moins optimistes. Toutes
indiquent que la récession de
l’industrie européenne n’est pas
terminée même si elle semble
moins sévère qu’avant l’été.
Certains secteurs font face à des
difficultés persistantes, c’est
notamment le cas du secteur
automobile où la production
continue de se contracter.
La progression de l’emploi ralentit nettement, à cause du secteur industriel
Le nombre de personnes en emploi
continue à progresser mais à un
rythme bien plus lent. Le taux de
chômage s’est stabilisé vers 7,5%.
Le recours au chômage partiel a
progressé en Allemagne, passant de
10 000 fin 2018 à 60 000 inscrits à
fin septembre. Il reste cependant
loin du pic observé en 2009 : 1,5
million de personnes avaient alors
été inscrites à ce dispositif pour
éviter les licenciements secs.
Le soutien de la politique budgétaire restera modeste en 2020
La Commission européenne évalue
le soutien budgétaire à 0,4% du PIB
pour l’ensemble de la zone en 2020
après 0,2% en 2019.
Les Pays-Bas font l’effort budgétaire
le plus conséquent (0,8% du PIB)
grâce à des mesures d’aide aux
ménages modestes et un plan
d’investissement en infrastructures
et pour lutter contre le
réchauffement climatique.
L’Allemagne, autre candidat à la
relance budgétaire, fait un effort
beaucoup plus modeste (0,3%).
Malgré des règles budgétaires
strictes, l’Allemagne dispose de
marges de manoeuvre inexploitées
(1% du PIB). Le changement de
direction à la tête du SPD alimente
les espoirs d’une relance budgétaire
plus conséquente, notamment si la
situation continuait à se dégrader
dans l’industrie.
La BCE est là… et le restera
Avant de partir Mario Draghi a
annoncé un ensemble de mesures :
baisse du taux de dépôt à -0,50%
assortie d’un mécanisme de tiering,
modification de la forward
guidance, retour du QE avec des
achats nets de titres de 20 Mds €
par mois à partir du 1er novembre.
Depuis la mise en place du tiering le
30 octobre (rémunération des
liquidités excédentaires sur
plusieurs niveaux), les banques ne
paient des taux négatifs que sur la
partie de leurs liquidités
excédentaires qui excède 6 fois
leurs réserves obligatoires
(auparavant, les banques payaient
des taux négatifs sur la totalité de
leurs liquidités excédentaires).
Concernant le programme d’achats
de titres, il se traduira par 3,7 Mds
d’achat mensuel en obligations
allemandes. Les limites de
détention émetteur devraient être
atteintes pour les obligations
allemandes d’ici environ 9 mois.
Quelques inquiétudes politiques perdurent en Europe
Au Royaume-Uni le modèle de
prévision par circonscription de
Yougov qui avait prédit l’issue du
scrutin de 2017 indique une
majorité confortable pour les
Tories. Même au plus bas de
l’intervalle de confiance, les
100 319 réponses, au 26 novembre,
leur attribueraient une majorité
absolue.
Le nouveau parlement siègera à
compter du 16 décembre et devra
statuer sur l’accord de retrait. En
cas de ratification, la nouvelle
relation commerciale UE-RU devra
être négociée d’ici le 31/12/2020
pour éviter l’application des règles
de l’OMC à l’issue de la période de
transition.
Le Parlement italien doit voter le 11
décembre sur le projet de réforme
du Mécanisme européen de
stabilité. Celui-ci a été négocié et
approuvé par le gouvernement de
majorité M5S – Ligue en juin 2019.
Depuis ces deux partis, l’un au
pouvoir, l’autre dans l’opposition,
s’opposent à tout ou partie du
texte. La crainte d’éclatement de la
coalition au pouvoir vient peser sur
le spread italien.
Des signes de stabilisation dans les émergents
Après plusieurs trimestres de
dégradations, les enquêtes en Asie
notamment, mais également dans
certains pays d’Amérique latine
s’améliorent.
Les pays d’Asie ont été
particulièrement affectés, au-delà
du ralentissement du commerce
mondial par la contraction d’activité
dans le secteur des semiconducteurs.
La Corée et Taiwan
ont été particulièrement concernés
par cette phase baissière du cycle.
L’ajustement des stocks touche à sa
fin et des signaux positifs sont
observés.
Les politiques économiques des émergents resteront accommodantes
L’assouplissement monétaire, rendu
possible par l’absence de tension
inflationniste (à l’exception de la
Turquie), a été conséquent en 2019,
et des marges de manoeuvre
existent encore dans certains pays
pour abaisser les taux directeurs
courant 2020.
Les récentes baisses de taux
devraient contribuer à soutenir la
demande intérieure.
Les politiques budgétaires ne
devraient pas non plus être
restrictives en 2020. Depuis
quelques semaines, des annonces
de soutien budgétaire ont été
faites, en Corée, en Inde et plus
récemment au Chili. Elles viendront
apporter directement un soutien à
la croissance du PIB.
Le risque social devra être surveillé
La multiplication des mouvements
de contestation sociale est une
source d’inquiétude.
L’Amérique latine est
particulièrement mal classée
concernant les inégalités. Les
années 2010 ont été favorables à
l’Amérique latine sur le plan
macroéconomique, grâce en partie
aux matières premières ! Mais cette
croissance n’a pas profité à tout le
monde…
Les conséquences, sur les marchés
dans un premier temps, sur les
devises, et puis sur l’activité dans
un climat de confiance dégradée
pourraient être importantes. A titre
d’exemple, l’activité au Chili s’est
effondrée en octobre, avec un PIB
qui recule de 3,4% sur un an,
retrouvant des plus bas vus… au
moment de la grande crise !
Le ralentissement chinois a contribué à l’affaiblissement de l’activité des pays émergents
Le ralentissement, qui a commencé
depuis le début de cette décennie
perdure. C’est la conséquence de la
transformation du modèle
économique.
La « vieille » économie ralentit
fortement, la nouvelle économie,
beaucoup moins.
La consommation a également été
affectée depuis quelques trimestres
; une des explications est la chute
des achats automobiles,
conséquence des mesures
administratives prises depuis fin
2017.
Le rebond souhaité de l’investissement est handicapé par la diminution des financements alternatifs
L’investissement en capital fixe
(hors ménages ruraux) ne progresse
plus que de 5,2% sur un an. Du côté
des investissements dans l’industrie
tertiaire, on relève également le
tassement de l’investissement en
infrastructures, qui progresse de
4,2% en glissement annuel après
+4,5% en septembre.
L’investissement des entreprises à
capitaux publics (SOE) est plus
dynamique (à +7,3%) que
l’investissement privé, en hausse de
4,7% sur un an, ce qui confirme la
problématique pour les entreprises
privées de plus petite taille
d’accéder au financement bancaire
classique.
La distribution de crédit bancaire
reste très dynamique, mais
concentrée dans les grandes
banques publiques, pour le
financement des projets des SOE.
Les plus petites banques, ayant
recours aux financements
alternatifs, ont nettement diminué
leur soutien aux PME chinoises,
avec les nouvelles mesures de
réduction du shadow banking.
Les politiques économiques chinoises resteront prudemment accommodantes…
La PBOC va rester « prudemment »
accommodante dans les prochains
mois. Elle utilisera
vraisemblablement, comme en
2019, ses outils privilégiés que sont
le taux de réserves obligatoires des
banques commerciales et le
nouveau taux de prêt à un an (Loan
Prime Rate).
Le point bas de la conjoncture est
peut-être atteint ? Les indices PMI
qui avaient fortement chuté en
octobre, affectés par les
conséquences des festivités pour
les 70 ans de la République
populaire de Chine, ont nettement
rebondi en novembre. A suivre…
Conclusions
La conjoncture mondiale s’est dégradée tout au long de l’année 2019 et
semble maintenant se stabiliser sur un niveau bas.
▫ Le ralentissement dans le manufacturier est marqué mais la contagion aux services
est restée jusque-là limitée.
▫ L’incertitude liée à l’issue des tensions commerciales continue de peser sur la
confiance.
Il n’y a pas de tension inflationniste dans les grands pays développés, et les
banques centrales sont de nouveau très accommodantes.
▫ La Fed a procédé à trois baisses « d’assurance » depuis juillet, et repris l’expansion
quantitative de son bilan.
▫ La BCE a mis en oeuvre un programme d’assouplissement monétaire complet qui
inclut une baisse de son taux de dépôt accompagnée d’un mécanisme de
« tiering », un assouplissement de la « forward guidance », mais également la
reprise des achats d’actifs sans date de fin.
L’arme budgétaire est un dernier recours ; son utilisation restera toutefois
limitée à court terme.
Les effets du plan de relance chinois sont contraints par la politique de
réduction de l’endettement et du shadow banking. Dans ce contexte la
croissance chinoise continue de ralentir.
Les émergents, après le ralentissement observé en 2019, semblent
présenter quelques atouts pour un rebond modéré en 2020, si les tensions
commerciales s’apaisent.